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Quand la Cour des Comptes épingle les relations entre l'Assurance Maladie et les professionnels libéraux de santé

N’en déplaise aux responsables de la CSMF et du SML[1], le rapport de la Cour des comptes est relativement clair. Le système conventionnel tel qu’il fonctionne entre les professionnels libéraux de santé et l’assurance maladie, ne répond pas aux objectifs que la loi de 2004 lui avait fixés. Il n’a pas permis dit la Cour de « réguler par une maitrise du volume des prestations, la dépense d’assurance maladie liée aux soins de ville, ni le reste à charge des patients et n’a pas été en mesure d’imprimer des changements indispensables pour faire gagner en efficience l’organisation des soins. Il n’a pas répondu à l’évolution des besoins, liés notamment au vieillissement de la population et au développement des pathologies chroniques, qu’il s’agisse de la réorganisation des soins de proximité ou de la coordination avec l’hôpital ».

De ce rapport qui fait le bilan des politiques conventionnelles entre l’assurance maladie et les professionnels libéraux de santé, depuis que ces dernières ont été remodelées par la loi de 2004, je veux dans cet article mettre en évidence 2 sujets, qui ont retenu mon attention : Les accords interprofessionnels et l’implication des organismes complémentaires dans les négociations avec les professionnels libéraux de santé

Les accords interprofessionnels

Que dit la Cour des Comptes dans son rapport rendu public le 16 Juillet ?

Elle rappelle que la loi du 13 août 2004 a introduit un type d’accords conventionnels interprofessionnels à géométrie variable, mais que « cette possibilité n’a pas été exploitée jusqu’à ce jour par l’Union Nationale des Caisses d'Assurance Maladie (UNCAM), ce qui fait obstacle à une meilleure articulation entre les professions et à une coordination plus efficace des soins. » Et la Cour donne des explications à cette situation : « L’UNCAM pratique une politique des petits pas, professions par profession et thème par thème… qui nuisent à la perception globale des politiques conventionnelles par les professionnels et conduisent à une complexification progressive du système ». Et la Cour ajoute «Le fait pour l’assurance maladie de privilégier des négociations très séquencées par profession a également retardé l’émergence de négociations interprofessionnelles».

D’un côté, il est assez intéressant d’entendre la Cour faire ces observations et propositions.

D’un autre, c’est incompréhensible qu’il ait fallu 10 ans pour faire ce constat. De nombreuses organisations dont la FNMF et la CFDT qui avaient soutenu la mesure contenue dans la loi de 2004 (accords interprofessionnels), dénoncent depuis la signature de la convention de janvier 2005, que cette dernière a transformé le parcours de soins initié par la loi de 2004, en parcours tarifaire. Les intérêts catégoriels des professionnels ont été privilégiés, au détriment d’une approche interprofessionnelle plus à même d’organiser les soins autour du patient.

Ceux qui sont en cause ce ne sont pas les professionnels dans leur ensemble. La plupart d’entre eux souhaitent une approche beaucoup plus coordonnée des soins. Un certain nombre d’initiatives, sous l'implusion de professionnels libéraux notamment, ont vu le jour ou se sont développées, autour des réseaux de soins, des maisons ou pôle de santé, des centres de santé…

Ce qui est en cause, c’est l’organisation du système conventionnel qui donne, en fait, aux syndicats professionnels libéraux de santé, le pouvoir d’organiser la médecine ambulatoire. Dans cette logique, la défense catégorielle ne peut que prendre le dessus sur toutes les autres considérations. Et la Cour des Comptes ne dit pas autre chose quand elle dit que l’Union Nationale des Professions de Santé (UNPS) [dont la création a été portée, il faut le rappeler, par un collectif d’organisations dont la CFDT, la FNMF, MG France, entre autre } « ne joue pas le rôle interprofessionnel que l’on pouvait attendre ».

Et d’en conclure qu’au regard des assurés, « la politique conventionnelle n’a pas réussi à remplir les objectifs majeurs qui sont au fondement même du dispositif depuis son institution… L’efficience du système de soins a été insuffisamment améliorée. Les négociations trop exclusivement en « tuyaux d’orgues » ont fait obstacle à de nouveaux modes d’organisation des soins de proximité, dont les expérimentations ont procédé de la loi et non des négociations conventionnelles ».

La Cour ne se contente pas de faire des constats, elle propose que le « cadre conventionnel laisse une beaucoup plus grande place à des conventions et accords multi-professionnels… Permettant une meilleure structuration et coordination des soins de premiers recours et donc une meilleure efficience de la dépense ».

L’implication des complémentaires dans la négociation avec les professionnels

Là encore que dit la Cour ? Comme l’UNPS, l’Union Nationale des Organismes d’Assurance Maladie Complémentaire (UNOCAM) « n’a pas trouvé la place que la réforme de 2004 visait à lui donner…. Son association aux négociations reste chaotique ».

La sévérité de ses arguments laisse peu de place aux doutes « Aux termes de la loi de 2004, l’UNCAM pouvait, en accord avec les organisations syndicales représentatives concernées, associer l’UNOCAM à la négociation et à la signature des accords conventionnels. Dans les faits, les partenaires conventionnels (Direction de l’Assurance Maladie et organisations syndicales des professions libérales de santé) n’ont pas manifesté la volonté de le faire ».

Cette Union des organismes complémentaires d’assurance maladie fait partie également d’une proposition faite par les organisations que j’ai déjà mentionnées plus haut. Cette proposition s’inscrivait dans une logique qui visait à mieux articuler les relations entre Assurance Maladie et les organismes complémentaires. Par une coopération plus forte sur des objectifs commun en matière de santé, cette proposition visait à mettre fin à des dérives engendrées par un secteur, (l’assurance complémentaire) tenue à l’écart de toutes régulations, au sein duquel les acteurs se livrent une concurrence effrénée. Concurrence qui contrairement à ce que certaines organisations de consommateurs pensent, a participé à tirer vers le haut, les dépenses de santé tout en aggravant les inégalités d’accès au système de santé.

10 ans après, le non-respect de la loi de 2004, auquel la Cour appelle, n’a fait qu’aggraver la situation.

Tirer les leçons de ce constat

Et, dans une période d’élaboration d’une nouvelle loi santé, je ne peux que partager la conclusion de la Cours sur ces 2 sujets : « Les chantiers, qui étaient déjà ouverts en 2004, sont importants, qu’il s’agisse de l’organisation des soins de proximité et du développement des approches interprofessionnelles, du lien avec l’hôpital, ou de la question des dépassements d’honoraires. Il est urgent de les mener à bien, en intégrant la préoccupation essentielle d’un retour à l’équilibre de l’assurance maladie. L’élaboration en cours de la stratégie nationale de santé et d’une nouvelle loi de santé publique présente l’occasion de repenser le cadre de l’organisation des soins, de redéfinir l’articulation des acteurs et de renforcer l’efficience du système de santé , ainsi que la place à cette fin des politiques conventionnelles ».

Gaby BONNAND

[1] « La CSMF et le SML réagissent vivement au contenu du rapport de la Cour des comptes - destiné au Sénat - sur les politiques conventionnelles entre les professions libérales de santé et l’assurance maladie publié mercredi). La CSMF lui reproche de s’inscrire dans une "stratégie anti médecine libérale et de démolition de la convention médicale entamée avec la loi Bachelot et qui se poursuit avec la future loi Touraine". Jean-Paul Ortiz, son président, dénonce un "rapport de commande" et se dit prêt à engager un "conflit de grande ampleur" pour protéger le dispositif conventionnel. Quant au SML, il s’insurge plus particulièrement contre les critiques portant sur le dispositif de rémunération sur objectifs de santé publique introduit en 2012 dans un cadre conventionnel et estime que le système conventionnel paritaire doit rester le fondement de l’assurance maladie ». (AEF 18 Juillet)
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