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Ce n'est pas la moindre des contradictions ou le moindre des paradoxes qui donnent à voir en ce moment que l'enracinement des idées conservatrices et néolibérales, dans notre pays, est profond.

Que ceux que l'on appelle les frondeurs du Parti Socialiste, et qui se considèrent comme les tenants de "la vraie gauche" puissent en alliance avec la gauche radicale, reprocher à VALLS d'avoir exprimé son fort intérêt pour l'entreprise, lors de l'université d'été du MEDEF, montre à quel point les offensives conservatrices et néolibérales ont en partie réussie.

Revenons quelques années en arrière. Ça se passe en 1998, le CNPF (Conseil National du Patronat Français) se transforme en MEDEF (Mouvement des Entreprises DE France), sous l'impulsion des nouveaux responsables de l'organisation patronale, Ernest-Antoine SEILLERE et Denis KESSLER, qui ont pris la responsabilité de l'organisation patronale après la démission de Jean GAND OIS.

3 ans auparavant, cette organisation patronale avait signé un accord interprofessionnel avec la CFDT, la CGC et la CFTC sur la politique contractuelle. Cet accord redonnait une place centrale au dialogue social dans les branches et dans les entreprises, en faisant de la reconnaissance syndicale et de la représentation collective des salariés, un passage obligé.

A la tête de cette organisation, c'était Jean GANDOIS, représentant d'un patronat "industriel", qui avait intégré l'importance de la négociation sociale pour moderniser l'appareil productif et le modèle social français.

Cet accord qui n'a pas été paraphé ni par la CGT, ni par FO est fortement critiqué par la gauche qui est alors dans l'opposition. Mais cet accord est également loin de faire l'unanimité au sein du patronat. Et à l'intérieur de cette organisation, la contestation du Président est très nette. Celle-ci ne passe pas par des débats publics, mais tout est faiit par une opposition de plus en plus organisée au sein du CNPF pour freiner au maximum les accords de branches.

Une crise politique que seule la France est capable d'inventer, va se révéler être une aubaine pour les défenseurs d'une progression des politiques néolibérales dans notre pays.

Alors que le gouvernement de droite conduit par Alain JUPPE est mis en difficulté par la réforme de la sécurité sociale de 95, le président de la république, Jacques CHIRAC dissout l'assemblée nationale 2 ans après sa victoire à la présidentielle de 95.

Le parti socialiste défait aux élections législatives de 1993, et de 95, s'est refait une santé, sur une ligne contestataire, en 4 ans d'opposition. Il gagne les élections législatives de 1997 et Lionel JOSPIN devient Premier Ministre, le 2 Juin 97.

Sur le terrain économique et social, Lionel JOSPIN, constatant que l'accord sur la politique contractuelle n'a pas donné beaucoup de résultats concrets dans les branches et les entreprises pour moderniser les organisations du travail et l'appareil productif, convoque une conférence sur l'emploi, les salaires et le temps de travail, quelques mois après son entrée à Matignon.

Cette conférence est l'occasion d'un bras de fer idéologique fort entre une partie de la gauche qui, par son positionnement dogmatique, brouille le message gouvernemental, et les opposants à Jean GANDOIS au sein du CNPF qui défendent une ligne politique qui débarrasse l'économie de toutes entraves. Pour les défenseurs de cette ligne le dialogue social et le syndicalisme, considérés comme des freins au dynamisme économique, sont dans le collimateur.

Le résultat ne tarde pas à se faire connaitre. Au lendemain d'une conférence qui consacre pour partie le dialogue social et la réduction du temps de travail par la négociation, mais qui renvoie aux acteurs sociaux-économiques, un message brouillé par les polémiques au sein de la majorité gouvernementale, Jean GANDOIS est mis en minorité dans son organisation. Il devance une défaite en prenant les devants par une démission brutale. La place est libre pour ceux qui, depuis longtemps ont organisé la déstabilisation du Président GANDOIS et sa ligne reposant sur la négociation sociale.

A partir de là, l'offensive néolibérale au sein du CNPF va pouvoir se concrétiser avec beaucoup plus de facilité. Idéologue et ambitieux, Denis KESSLER veut réussir dans son entreprise.

Le changement de nom de CNPF en MEDEF, en 1998, n'est pas qu'une question de marketing. C'est un changement de concept.

Dans le nouveau sigle, le terme "Patronat" disparaît au profit du terme "Entreprise". D'une organisation représentant les intérêts du patronat, on passe à une organisation qui veut défendre les intérêts de l'entreprise, niant ainsi que le conflit existe par nature, au sein de l'entreprise.

En prétendant défendre l'intérêt de l'entreprise avec un grand "E", les nouveaux responsables de l'organisation patronale considèrent de fait que les intérêts de l'entreprises se limitent aux intérêts des entrepreneurs et aux propriétaires des entreprises (actionnaires).

Cette transformation se fait à un moment où la conception de la gouvernance des entreprises qui se caractérise par une priorité donnée aux actionnaires et à la création de valeur pour ces derniers ("Shareholder"), prend l'ascendant, dans la plupart des pays, sur une conception de la gouvernance qui met l'accent sur la conciliation des intérêts divergents entre les différentes "partie-prenantes" que sont les salariés, les dirigeants, les actionnaires, les consommateurs (Stackreholder), Cette conception place le dialogue social comme essentiel à la recherche de cet équilibre.

Avec ce changement de nom, c'est une conception très libérale, voir néolibérale caractérisant le capitalisme financier qui s'impose progressivement au détriment d'une conception qui caractérise le capitalisme industriel, d'avantage attaché à la création de valeurs par la production de biens et de services.

Cette conception défendue par les nouveaux responsables du MEDEF résume l'entreprise aux intérêts des dirigeants et des actionnaires de celle-ci.

Et ce n'est pas la moindre des victoires des défenseurs de ces thèses néolibérales que d'avoir réussi à amener les plus radicaux de la gauche à considérer l'entreprise comme se résumant aux intérêts de leurs actionnaires et de leurs dirigeants.

Quand Manuel VALLS s'exprime à l'université du MEDEF, il parle de son attachement à l'entreprise, à sa volonté de les aider. Pour lui, l'entreprise ne se résume pas aux intérêts de ceux qu'il a en face de lui. L'entreprise c'est le lieu de création de richesse par le travail qui se réalise pour créer des biens et des services. c'est un lieu où rentrent en conflit des intérêts différents qui doivent trouver par le dialogue social des compromis efficaces. C'est pour cela qu'il met l'accent sur l'importance de la représentation collective des salariés pour faciliter ce dialogue.

Tout ce que la gauche compte d'idéologues hors sol, monte au créneau pour dénoncer ce discours. Ils considèrent eux aussi, comme les néolibéraux, que l'entreprise se résume aux intérêts des actionnaires et des dirigeants. Ce faisant, ils sont incapables de voir qu'en ce moment, se joue une bataille forte entre les forces conservatrices et néolibérales et les forces sociales-démocrates.

Comment ces forces se disant de gauche peuvent à ce point ignorer que les salariés sont aussi intéressés à la vie des entreprises et à leur développement et que les entreprises sont des lieux de conflits dans lesquels les salariés ont des intérêts à faire valoir?

Comment peuvent elles à ce point confondre intérêts des entreprises et intérêts des patrons?

Comment dénoncer les entreprises et vouloir qu'elles soient créatrices d'emploi et de richesses pour tous?

Comment peuvent elles ne pas se rendre compte qu'elles apportent un soutien inespéré aux forces les plus conservatrices et les plus libérales du MEDEF?

Ces dernières ont d'ailleurs adopté une toute autre stratégie pour contrer la politique de Manuel VALLS qu'elles rejettent très profondément. Plus stratèges que les idéologues de gauche, les idéologues frondeurs du MEDEF, avec Denis KESSLER à leur tête, ont compris que pour faire échouer la politique de VALLS, il valait mieux crier victoire après son discours et museler ainsi ceux qui seraient d'accord avec le Premier Ministre au sein du MEDEF,

Comme souvent dans l'histoire, pour ne pas dire toujours, les forces les plus radicales de gauche viennent prêter mains fortes aux forces conservatrice par leur rejet de la Social-démocratie...Et ceci au grand désespoir des progressistes;

Les forces "radicales" de la gauche, comme elles s'autoproclament, sont devenues aveugles. Qu'elles ne deviennent pas l'instrument de la victoire des forces néolibérales ou frontistes..

Là encore le pire n'est jamais sûr.

Gaby BONNAND

Il n'y a que que les néolibéraux et la gauche la plus radicale pour considérer que l'entreprise se résume aux intérêts des patrons et des actionnaires.
Tag(s) : #Politique, #Social démocratie, #néolibéralisme
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