Deux réactions ce Weekend, de deux hommes politiques se disant de gauche, terme qui pour moi, renvoie culturellement à l’idée de progressisme (dans laquelle je me reconnais), m’ont à la fois attristé et invité à trouver des explications à celles-ci sans tomber dans de la psychologie de comptoir.
La première réaction est venu de jean Luc MELANCHON qui, en adoubant Jérôme KERVIEL à la fête de l’Huma, compare l’affaire KERVIEL à l’affaire DREYFUS, en faisant référence à Jean JAURES.
L’affaire DREYFUS divise la France. Capitaine de l’armée française DREYFUS est accusé de haute trahison et condamné à la déportation à perpétuité en Guyane. Cette accusation, grâce à l’action de ZOLA et de JAURES et de tous ceux qui, à leur suite se sont mobilisés pour ré-ouvrir le procès, sera levée plusieurs années après durant lesquels DREYFUS a purgé une peine aux travaux forcés.
Tout le monde connait l’histoire. DREYFUS a été condamné sans preuve. Le seul fait que celui-ci soit juif suffisait à en faire un traitre et l’instruction a été bâclée.
Il en va tout autrement de Jérôme KERVIEL, qui est un homme qui a droit au respect de sa dignité comme tout le monde. Je ne suis pas en train de dire que KERVIEL n’ait pas de légitimité à se battre contre le monde qu’il a servi. Tout le monde peut changer. Il n’empêche que KERVIEL a servi ce capitalisme financier et participé aux catastrophes qu’il engendre. Il n’est pas le seul. La Société Générale est probablement encore plus responsable.
Comment un homme politique peut-il faire une telle comparaison ? Comparer l’affaire KERVIEL et l’affaire DREYFUS, c’est en partie comparer DREYFUS et KERVIEL. Mais comment peut-on en arriver là ?
L’un est condamné par ce qu’il est Juif. Il est nié dans son existence, dans son humanité même parce qu’il est juif.
L’autre a été condamné pour des faits avérés.
Quand bien même Jean LUC MELANCHON considérerait que l’action de Jérôme KERVIEL a été un acte de résistance héroïque contre le capitalisme financier, il n’a pas le droit de comparer les 2 affaires au risque de tout mélanger et de participer à cette perte de repère qui nous empêche de nous projeter dans l’avenir.
La deuxième réaction est celle d’Aquilino MORELLE, ancien conseiller à l’Elysée après que MEDIAPART ait révélé qu’il faisait venir un cireur de chaussures à l’Elysée pour entretenir=r sa collection de luxe et surtout qu’il pouvait être en conflit d’intérêt sur des questions liées à une mission qu’il a exercé chez un laboratoire pharmaceutique.
Monsieur MORELLE compare son éviction à une épuration ethnique et n‘hésite pas à prendre une comparaison avec une des horreurs les plus terribles du XX° siècle: «La logique qui est en œuvre est une logique de purification ethnique. C'est les Hutus contre les Tutsis. »
La guerre civile au RWANDA qui s’est déroulée au début des années 90, s’est transformée en génocide qui a fait près d’un million de morts.
Comparer sa situation personnelle en l’élargissant un peu à d’autres, pour paraitre probablement moins narcissique, à un génocide, est tout simplement scandaleux, inadmissible, incompréhensible venant d’un homme qui a exercé des responsabilités au plus haut sommet de l’Etat.
Comment 2 hommes politiques de gauche peuvent-ils convoquer des moments aussi douloureux de l’histoire pour les comparer à des situations d’aujourd’hui ?
Ces comparaisons n’ont aucun fondement politique et philosophique
On ne convoque pas la mémoire d’une lutte contre l’antisémitisme pour adouber un trader quand bien même celui-ci serait dans une période de « conversion »
On ne convoque pas non plus la mémoire d’un génocide pour se justifier d’un limogeage comme conseiller du Président
Ces comparaisons ne peuvent relever que d’hommes qui se sont senti humilié.
De toute évidence ce sont deux hommes qui se sont sentis et se sentent encore humiliés, pour des raisons diverses.
L’humiliation est un sentiment difficile à vivre, et vécue douloureusement par de très nombreux individus. D’autant que les raison de sentir humilié ne manquent pas dans nos sociétés modernes.
L’humiliation déchaine des réactions logiques, mais rarement rationnelles. En tout état de cause, si l’humiliation peut être le déclencheur d’un engagement, elle ne peut en aucun cas être le moteur permanent d’un engagement durable d’une action de transformation profonde de la société.
L’incapacité à se défaire du moteur de son sentiment personnel d’humiliation, dans son action, est un signe éclatant d’incapacité à avoir des responsabilités politiques de premiers plans.
Gaby BONNAND