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Eric Verhaeghe vient de publier un article dans « Figaro vox » sous le titre de « Michel Sapin combien ça coûte ? »[1]

Monsieur Verhaeghe est coutumier et spécialiste des attaques en règle contre les corps intermédiaires dont il a été un représentant important comme mandaté par le MEDEF dans de nombreuses institutions.
Il y a chez lui (comme chez tous ceux qui ne veulent voir que le marché, organiser les relations entre les hommes) 2 sortes d’individus:

  • Ceux qui perçoivent leurs rémunérations ou toute autre rétribution, dans le cadre d’une activité exercée dans le champ du marché.
  • Ceux qui perçoivent leur rétribution dans le cadre d’une activité exercée dans le champ de l'organisation démocratique de la cité (administrations publiques, fonction publique, représentations politiques...).

Les premiers ne sont pas suspects. Ils ne doivent rien à personne. Ils se sont fait tout seul et continuent à se faire tout seul. Par nature, le revenu perçu est la récompense juste du travail réalisé. Si le revenu est faible c'est que celui qui le perçoit ne mérite pas plus. Au contraire celui qui touche beaucoup, le mérite.

C'est, pour Eric Verhaeghe, le marché qui décide. Pour lui et ses coreligionnaires, le marché ne se trompe pas, il récompense les meilleurs. Les inégalités générées ne sont pas des inégalités. C'est l'ordre des choses.

Les seconds, sont suspects par nature. Ils vivent au crochet des autres. Ils sont rémunérés par le produit de prélèvements. Pour les défenseurs de cette thèse néolibérale comme Eric Verhaeghe, le prélèvement opéré par la puissance publique est considéré comme de la spoliation, du vol en quelque sorte.

Ceux qui sont rémunèrés par le produit des impôts sont donc, par conséquence, complices de cette spoliation.

La thèse défendue par Eric Verhaeghe est une thèse qui considère l’action de la puissance publique comme un frein à l’initiative privée. Elle est « liberticide ». Si la Liberté est une des valeurs fondamentales de notre République et de notre Démocratie, Egalité et Fraternité en sont 2 autres et les 3 sont intrinsèquement liées.

Poussée à bout comme le fait souvent Eric Verhaeghe, cette thèse est une négation de la démocratie.

Aucun fondement économique sérieux n’atteste sa démonstration. Il est sur un discours idéologique appelant la prétendue « science » économique à son secours.

C'est une imposture car pour lui et tous ceux qui défendent la même théorie, la richesse créée aurait un statut différent selon qu'elle est redistribuée par l'entreprise privée ou redistribuée dans le cadre des politiques publiques.

  • L'entreprise privée qui procède à la rétribution de ses collaborateurs, par une redistribution de la richesse créée en son sein, ne doit de compte à personne puisque c’est le marché qui décide. Ceux qui tirent les plus gros gains de cette redistribution ne doivent des comptes à personne non plus, puisque leur mérite et le marché suffisent à justifier les rémunérations les plus folles que nous connaissons dans le secteur privé(à titre d'exemple, la prime de départ de l'ex patron d'Alcatel)
  • Par contre la puissance publique doit être mise sous contrôle permanent. Ceux et celles qui perçoivent leur revenu par celle-ci doivent rendre des comptes « sonnantes et trébuchantes ».

Cette mise sous contrôle est tout à fait normale, logique, indispensable. Par contre sont contestables

d'une part les objectifs assignés par Eric Verhaeghe à cette mise sous contrôle,

d'autre part l'exonération, par le même Eric Verhaeghe, de tout contrôle en direction de la redistribution opérée par les entreprises.

Pour lui cette mise sous contrôle de la puissance publique et l'absence de contrôle des entreprises, a pour objet de créer de la suspicion vis-à-vis de la puissance publique et de ceux qui y consacrent leur activité, pour mieux réduire leur place et rôle, laissant le marché, réguler les relations entre les hommes.

Ce faisant, il participe à miner la démocratie et à empêcher toute action pour la renforcer et la consolider.

Il alimente les discours clouant aux piloris toutes les formes de régulation autre que le marché.

En écrivant l’article qu’il a écrit sur Michel Sapin, il fait croire qu’il s’intéresse au bien public, aux biens collectifs. Ce soucis du bien public le conduirait naturellement à dénoncer les gaspillages, les dérives, et à jouer le chevalier blanc.

Il n’en est rien. Il vise à réduire la part de la richesse créée, consacrée à l’organisation de la vie en société, à l’organisation démocratique de la cité.

La faille du discours d’Éric Verhaeghe, consiste à procéder à une différence dans la richesse créée. Or il n'y a aucune richesse créée qui ne soit pas le fruit d'une création collective, et donc un bien collectif. De ce point de vue la répartition de toute la richesse (y compris celle qui concerne la rémunération des patrons) est une question de démocratie et pas uniquement de marché. Elle intéresse tous les citoyens.

Il y a quelques années, dans un rapport de Terra-Nova[2], nous faisions des propositions pour mettre dans le débat public et donc dans le champ « politique » au sens étymologique du terme, la question des hauts revenus et par conséquent la question de la répartition et de la redistribution de la richesse. Ces propositions méritent d'être débattues encore et amélioreées


Pour alimenter ce débat, je suis très dubitatif sur la méthode employée par Eric Verhaeghe. Mais puis qu’il a utilisé celle-ci, je lui propose de poursuivre par l’évaluation de son coût, lui :

  • qui a fait l'ENA,
  • qui a été fonctionnaire à l'Education Nationale,
  • qui a travaillé à la FFSA, fédération des assurances dont le financement repose sur des contributions des sociétés d'assurance, qui elles-mêmes reçoivent leurs ressources des assurés, qui sont aussi des citoyens.
  • qui a détenu des mandats au MEDEF, dont les ressources proviennent des entreprises (pas des employeurs, contrairement aux salariés syndiqués qui cotisent à leur syndicat sur leur fond personnel) dont la richesse est le fruit d'une création collective.

A trop caricaturer, on ne sert pas le débat démocratique. Mais je ne suis pas certain qu'Eric Verhaeghe cherche à servir le débat démocratique.

Gaby BONNAND

[1] http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2015/09/21/31007-20150921ARTFIG00189-hauts-fonctionnaires-un-sapin-a-19-millions.php

[2] http://tnova.fr/rapports/pour-une-regulation-des-hautes-remunerations

Tag(s) : #Politique, #égalité, #démocratie
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