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Ce blog est un espace d'expression. Il a pour ambition de s'inscrire dans le débat politique, social et sociétal. "Ouvertures" signifie que le débat y est possible dans le respect des valeurs qui président à des débats démocratiques: écoute, respect des individus, sincérité ... C'est un espace dans lequel tous et toutes sont invités à s'exprimer. c'est par le débat que les idées progressent et s'enrichissent. Pour ceux et celles qui le souhaitent, il est possible de s'abonner, en suivant les indications sous la rubrique "s'abonner", situé à la droite de l'article.

Ce n'est pas seulement à la CFDT d'assumer son réformisme et sa cohérence

Être l’auteur d’un Best-seller n’autorise toutefois pas à penser détenir la vérité sur tout.

Thomas PIKETTY, invité au club de la presse ce Jeudi soir, a dit qu’il aurait pu manifester contre la loi EL KHOMRI. A l’appui de ce qui n’est, semble-t-il, resté qu’une intention, il dit « J’ai écrit avec d’autres contre la loi EL KHOMRI ». Sans doute fait-il référence au texte paru dans le monde du 8 Mars 2016. Texte qu’il a cosigné avec d’autres économistes et titré « La “loi travail” ne réduira pas le chômage ».

Je n’avais pas eu une lecture du texte aussi tranché[1]. D’ailleurs j’avais écrit un article sur ce même blog, pour me réjouir de voir enfin des économistes et plus largement des intellectuels produire des textes collectifs. En effet celui dont T. PIKETTY est signataire est une réponse à un autre texte écris lui aussi collectivement. Enfin, pensais-je, les conditions d’un vrai débat sortant des joutes verbales semblaient se mettre en place.

Le plus grand défis pour un intellectuel, comme pour un syndicaliste ou pour un homme politique, ce n’est pas d’avoir de bonnes idées, de bon raisonnements, de bonnes démonstrations, de bonnes recettes, de bon « Y’a Qu’a », mais de pouvoir avec d’autres porter des idées, des démonstrations, des raisonnements, des propositions communes. Et nous avions vu dans les 2 textes combien ce travail collectif a demandé des efforts aux uns et aux autres pour se mettre d’accord ensemble sur un texte, comportant diagnostic, analyse et propositions.

Je suis déçu ce soir des sorties lapidaires de Thomas PIKETTY. Je le suis d’autant plus, que j’apprécie cet économiste et pour ceux qui n’en sont pas convaincu, ils pourront relire l’article écris sur ce blog à propos de son livre « le Capital au XXI° siècle », le 20 septembre 2013. Article dans lequel je saluais la qualité et la pédagogie[2].

Je suis déçu parce que je pensais, probablement un peu naïvement, qu’après ce travail collectif entre économistes, nous assisterions moins à des leçons magistrales de professeurs sur le registre de la simplification outrancière.

Non pas que l’écriture d’un texte collectif empêche les expressions individuelles. Mais dans une période de fortes tensions sociales, j’attends de personnalités aussi importantes que Thomas PIKETTY, qu’elles éclairent les situations complexes dans lesquelles se trouvent le monde du travail et de nombreux jeunes qui ne se sentent pas du tout concernés par les manifestations d’aujourd’hui. En effet, il y a bien longtemps que le code du travail d’aujourd’hui ne les protège plus.

Loin de moi l’idée que parce que le code du travail ne protège plus, il faut le jeter aux oubliettes de l’histoire. De ce point de vue l’action tenace de la CFDT et avec elle d’autres organisations, a commencé à porter ses fruits.

La solution passe bien sûr comme le disent les économistes signataires du texte du monde auquel a participé Thomas PIKETTY, par des politiques macroéconomiques autres que celles qui ont priorisé en Europe et particulièrement en France la lutte contre les déficits budgétaires après la crise de 2008, au détriment d'une politique favorable à la croissance. Je suis d’accord avec cette analyse. Mais l’honnêteté et la responsabilité intellectuelles obligent à dire aussi que ce n’est pas et ça n’a jamais été l’objet de cette loi.

Par contre cette loi touche aux relations professionnelles et aux droits des travailleurs. Et nous savons que la capacité des hommes et des femmes à être acteurs dans un monde de plus en plus complexe, est déterminante. Et nous devons en créer les conditions. Pour cela nous devons barrer la route à toute décision unilatérale des employeurs, en créant les moyens pour rendre plus légitime les organisations syndicales. Cette légitimation passe notamment par une plus grande proximité entre la vie des salariés dans les entreprises et les lieux de négociation.

Thomas PIKETTY qui connait bien le monde syndical, sait très bien qu’aucune organisation syndicale, qu’elles aient fait le choix de manifester ou pas, sont toutes d’accord pour dire que ce n’est pas la loi qui va créer des emplois. Ce n’est pas le sujet. Par contre, elle peut créer les conditions d’en en créer. Et c’est là, le sujet

Le sujet est celui des droits des travailleurs qu’il faut inventer pour que les travailleurs ne subissent plus les ruptures qu’ils subissent aujourd’hui dans leur parcours professionnel. C’est l’enjeu du contenu du CPA contenu dans la loi, qu’il faut muscler

Le sujet c’est celui de la formation professionnelle capable d’augmenter la qualification des salariés et la qualité des produits et des services.

Le sujet c’est celui de l’implication des travailleurs au plus près de leur réalité en créant les conditions que les décisions unilatérales des employeurs sur le durée du travail, sur les paiement des Heures supplémentaires, sur les forfaits…, ne soient plus possibles. Et ça passe par la négociation d’entreprise, le mandatement dans les petites entreprises.

Je suis d’accord avec Thomas PIKETTY. Ce n’est pas la précarisation généralisé prônée par l’ultralibéralisme qui va créer durablement des emplois. L’ensemble du mouvement syndical est probablement d’accord avec cela, même si les propositions d’une grande partie d’entre elles sont peu visibles.

Alors devant ces enjeux, je voudrais poser deux questions à Thomas PIKETTY :

  • Est-ce qu’il estime qu’il y a une différence entre le projet en débat et celui d’avant la réécriture ?
  • Pour faire évoluer les situations des travailleurs, est-il préférable de maintenir le statuquo en rejetant le texte sans aucune autre proposition, ou de poursuivre une mobilisation dans le cadre du débat parlementaire sur la base de propositions précises ?

De la déception peut renaitre l’espoir mais je ne suis plus d’humeur à supporter les débats binaires ou les leçons magistrales.

Ce n’est pas simplement à la CFDT d’assumer son réformisme et sa cohérence dans l'espace public[3]

Gaby BONNAND

[1] http://ouvertures.over-blog.com/2016/03/des-contributions-d-intellectuels-utiles-a-un-debar-public-sain.html

[2] http://ouvertures.over-blog.com/beau-travail-que-vient-de-nous-livrer-thomas-piketty-avec-son-livre-%C2%AB-le-capital-au-xxi-si%C3%A8cle-au-del%C3%A0-de-la-formidable-mine-d-informat

[3] Guy Groux : La CFDT fait-elle trop de politique ? http://www.telos-eu.com/fr/politique-economique/la-cfdt-fait-elle-trop-de-politique.html

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A
Inverser la hiérarchie des normes, c’est comme si on autorisait chaque ville à négocier des dérogations au code de la route ou chaque département à négocier des dérogations au code pénal. Les principaux arguments pour « expliquer » le projet de loi travail sont soit des contre vérités, soit des éléments de langage élaborés par des lobbyistes et des communicants. Démonstration sur http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/manuel-valls-a-essaye-de-vendre-sa-179425?pn=1000#forum4541516
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G
Oui je suis allé voir le lien. rien de neuf sous le soleil. Une compilation d'expressions, de poncifs, loin d'une analyse rigoureuse. On est dans le registre du pamphlet. C'est sur ce registre que je prends vos propos et ceux du lien auquel vous renvoyez. Mais les pamphlétaire ont une place utile dans le débat démocratique, même si celui-ci ne se limite pas à un débat entre ces derniers