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Bien sûr François Hollande et la gauche de gouvernement ont de multiples raisons de se faire critiquer. Non pas seulement pour des promesses qui n’ont pas été tenues, mais pour des positionnements qui n’auraient jamais dû être pris par un président de la république et un gouvernement de gauche. Je pense particulièrement à 3 choses :

  • La proposition de la déchéance Nationale
  • La première mouture de la loi Travail avant sa réécriture
  • La critique de Manuel VALLS dans la presse allemande de la politique d’accueil des migrants initiée par Angela MERKEL.

Je suis en désaccord profond avec ces 3 positionnements. Mais ces derniers ne me feront pas sombrer dans un Hollande-bashing, dénoncé et questionné avec raison par Jacques JULLIARD, dans une chronique de Marianne du 23 Avril 2016.

« Ce long gémissement qui parcourt comme un frisson la France entière », nous dit Jacques JULLIARD « est en train de devenir la dernière forme du lien social ». Et il pose la question de ce que les français peuvent bien se cacher à eux-mêmes « en piétinant Hollande »

Probablement que les français se cachent beaucoup de choses à eux-mêmes, en pratiquant ainsi, mais il me semble que cette attitude est révélatrice de bien d’autres choses. J’en noterais 2 :

  • Révélatrice de l’impact considérable des médias et des réseaux sociaux dans la construction de ce que l’on appelle l’opinion publique. Je suis assez d’accord avec Jacques JULLIARD quand il dit que « les chiffres publiés dans les médias ressemblent plus à un lynchage qu'à un sondage »
  • Révélatrice d’une organisation sociétale, d’un fonctionnement démocratique qui ne permettent que de façon très limitée, les expressions et implications collectives et individuelles des hommes et des femmes dans ce qui fait le quotidien de leur vie.

Si je m’arrête sur ces 2, c’est qu’il me semble que la deuxième chose vient nourrir la première. Cette difficulté de trouver sa place comme acteur de sa vie que ce soit dans son travail, dans son quartier, dans sa ville… engendre de la frustration. Cette frustration peut trouver, dans cette critique permanente des gouvernants, forme de résistances stériles, un moyen de s’extérioriser (non pas que toutes les résistances soient stériles). Cette extériorisation peut aussi se manifester par des replis multiples. Dans tous les cas, ce n’est que du carburant pour machines médiatiques peu scrupuleuses.

Dans une organisation de la démocratie très institutionnalisée, avec des corps intermédiaires bien établis mais qui se renouvellent peu et institutionnalisés eux aussi, quels sont les lieux, quand on est jeune ou moins jeune, où l’on peut s’impliquer pour faire bouger les choses que l’on voudrait voir bouger ?

Alors, les gens de ma génération vont dire « Il y a les associations, les partis politiques, les syndicats. Il faut s’y engager». Pas certain que toutes ces institutions soient très attirantes, même si certaines travaillent beaucoup pour s’ouvrir et créer des espaces de débats qui sont autant de lieu d’apprentissage à la démocratie.

J’encourage donc mes interlocuteurs à rejoindre ces organisations, surtout celles qui se questionnent, qui se remettent en cause, qui s’ouvrent aux capacités créatrices des individus.

Mais dans le même temps, je veux prendre en compte qu’à côté de ces grandes institutions, il y a foule d’initiatives qui ont du mal à être visibles parce que ne rentrant pas dans les « canons » des formes de notre fonctionnement démocratique. Cette indifférence, voire cette condescendance pour ces initiatives, ne peuvent que nourrir du ressentiment. Dans un article en Mars 2015 Edgar MORIN rappelait que « Des milliers d’initiatives locales fleurissent (associations écologiques, résurrection de villages, réseaux de solidarités, etc) qui témoignent d’un puissant vouloir vivre. Mais ces initiatives sont isolées et ne se connaissent pas les unes les autres. Aucune administration, ni parti ne les recense, ni ne leur permet d’échanger leurs expériences. »[1].

Si les institutions sont indispensables à la pérennité du fonctionnement démocratique de nos sociétés, l’institutionnalisation généralisée peut devenir un danger pour la démocratie elle-même. Edgar Morin encore, nous dit que « La solidarité anonyme de l’Etat providence, avec ses sécurités et ses assurances de tous ordres, est insuffisante. Il y a besoin de solidarité concrète et vécue, de personnes à personnes, de personnes à groupes, de groupes à personnes. Il existe en chacun et en tous, un potentiel de solidarité… ». En considérant que ce potentiel a été étouffé par le développement de « l’égocentrisme » dominant de nos société, il convient aujourd’hui de « libérer la force inemployée des bonnes volontés et de favoriser les actions de solidarité »[2].

Je suis convaincu que nos démocraties souffrent de cette incapacité collective à trouver les moyens, les formes, les occasions de libérer ces forces créatrices dont parle Edgar MORIN. C’est pour cela que je suis assez attentif et intéressé par ce qui peut se vivre comme apprentissage à la démocratie dans des initiatives comme nuit debout.

C’est cette même conviction qui me met en colère contre ceux qui s’en prennent à la négociation d’entreprise et à la possibilité pour les salariés de s’exprimer dans les entreprises, sur des projets d’accords. C’est non seulement dans les entreprises qu’il faut redonner la parole aux individus, mais de partout où s’organisent des collectivités humaines où se jouent des communautés de destins (quartiers, villes, bassin de vie, départements, régions pays…).

Nous ne libérerons jamais les forces créatrices des individus si nous avons peur de leur parole. Il ne s’agit pas d’être naïf, bien sûr. Mais attention de ne pas invoquer de faux arguments, à tous les niveaux que ce soit, pour protéger un système que trop institutionnalisé, et qui ne peut générer que du « Décideurs-Bashing » et des replis mortifères.

[1] Sobriété et décroissance Entretien avec Edgar Morin 24 mai 2015

[2] La Voie p.63

Tag(s) : #Hollande, #Politique, #Démocratie
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