Curieuse conception du débat contradictoire au TNB de RENNES avant une représentation théâtrale

Lettre ouverte au directeur du TNB de RENNES

Monsieur Le Pillouer

Hier soir, au TNB, je participais à la représentation de la pièce « les femmes savantes » de Molière. Je voulais vous faire part de mon étonnement quand après votre intervention concernant l’accord intermittents du spectacle, vous avez passé la parole à un représentant de la coordination des intermittents et précaires. Son intervention consistait à haranguer les spectateurs venus voir un spectacle de théâtre, sur la loi Travail.

Ma surprise ne tient pas au fait que l’on donne la parole à des gens pour exprimer leur opinion. Non, ma surprise provient du fait que l’on impose, dans un lieu culturel, à plusieurs centaines de spectateurs, une seule vision, une seule analyse de cette loi. Si la culture ne signifie pas l’acceptation des différences, le débat contradictoire, je crois que je n’ai rien compris à la culture.

Etant en désaccord avec la vision exposée par le représentant à qui vous aviez donné la parole, j’ai fait savoir mon désaccord avec ses propos, en demandant si on pouvait répondre. L’intervenant a répondu sèchement « Non, il ne s’agit pas d’un débat, mais d’une déclaration ». Curieuse vision de la conception démocratique exprimée dans un haut lieu de la culture rennaise, synonyme de liberté d’expression.

Est-il si difficile d’entendre

• que le renforcement du syndicalisme dans les entreprises, par d’avantage de négociations et de protections pour les délégués,
• que le renforcement des droits à congés pour enfants à charges, ou solidarité familiale,
• que des garanties puissent suivre l’individu dans son parcours professionnel,
• et bien d’autres choses encore,

constituent des avancées pour les individus ?

Mais nous pouvons être en désaccord avec cette façon de penser et de voir les choses et j’en conviens totalement. Mais nous devons en débattre.

Si le TNB, hier soir, n’était pas le lieu du débat, alors il ne fallait pas donner la parole à un seul intervenant donnant et imposant sa vision aux autres.

Cette pratique déshonore une conception républicaine et démocratique de la culture. Quand les « temples » de la culture deviennent des lieux d’expressions monolithiques, ça ne sent jamais bien bon pour la démocratie.

Recevez, monsieur le directeur l’expression de ma considération

Gaby BONNAND

Comments

[RB]

RB = Et de tes neveux...

J'essaye de te répondre plus tard.
Mais déjà si tu as un lien avec le projet de loi voté, je n'ai rien trouvé d'autres sur légifrance. Il semble que c'est un peu flou....

[RB]

Salut Gaby,

Je ne crois pas que la démocratie soit mis en péril par les opposants à la loi travail comme tu le suggères dans ta conclusion. On se demande comment il est possible de penser que c'est le cas quand le mouvement social est systématiquement réprimés par le pouvoir par un gestion policière agressive des manifestations (nasse systématique des manifestants (de tous) comme le premier mai à paris, utilisation de flash-ball en tir tendu et de grenade de désencerclement de façon agressive y compris sur des journalistes), ou un arsenal judiciaire démesuré (comme contre les 20 étudiant-e-s de Rennes accusé-e-s d'association de malfaiteurs pour avoir bloqués des bornes de métro, cf https://www.mediapart.fr/journal/france/080616/loi-sur-le-travail-la-manip-judiciaire-anti-manifestants).

Au sujet du débat, on a vu mieux que l'utilisation du 49.3 pour faire passer une loi pour laquelle le gouvernement ne trouve pas de majorité au sein du parlement...

Aussi, je ne comprends pas en quoi pouvoir signer des accords d'entreprises y-compris défavorable aux salarié-e-s est un "progrès social" ou une amélioration de la démocratie sociale en entreprise, il faudra que tu m'expliques. La hiérarchie des normes est pour moi un garde fou indispensable aux salarié-e-s dans un rapport de force qui reste défavorable à ces derniers.

J'aimerai aussi ton avis sur le point A.1 de l'article 1er du projet de loi :
"Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ;" (source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do;jsessionid=C233B77E9C6714849ACCE7D639FD9B51.tpdila18v_1?idDocument=JORFDOLE000032291025&type=contenu&id=2&typeLoi=proj&legislature=14)

J'ai du mal à voir comment justifier des limitations aux droits fondamentaux des personnes pour le bon fonctionnement de l'entreprise. Assujettir les droits fondamentaux des personnes au bon fonctionnement de l'entreprise me semble être un retour en arrière très grave...

J'attends ta réponse avec impatience...

Bises

RB

[Gaby Bonnand]

Merci de ce post suite à l’article du blog. Je n’arrive pas à identifier qui tu es. Les initiales RB ne me suffisent pas. Mais je suppose que nous devons nous connaitre. Comme tu emploies le « tu », je ferais de même.
Tout d’abord te redis merci car c’est dans le débat contradictoire que l’on peut progresser dans la compréhension des dispositifs et de leurs enjeux.
Je crois n’avoir jamais dit que la » démocratie est mis en cause par les opposants à la loi travail ». Pour être juste tu ne dis pas que j’ai dit cela mais que ma conclusion le suggère. Si c’est le cas je le regrette.
Je reconnais qu’il peut y avoir des désaccords sur l’analyse de la loi travail. Ça ne me pose aucun problème. Je considère qu’il en va ainsi dans une démocratie. Ce qui me semble remettre en cause la démocratie, c’est que dans un lieu de culture, comme dans tout lieu public, sur un sujet qui justement fait débat, on ne donne la parole qu’aux tenants d’une seule position. En l’occurrence ceux qui sont contre la loi.
Je ne comprendrais pas plus qu’on ne laisse la parole que ceux qui défendent cette loi. Les opposants ne sont en aucun cas en cause du moment qu’ils acceptent le débat contradictoire, ce qui dans le cas précis, n’a pas été le cas.
Il me semble très important d’être précis dans la description de la situation. Voilà pourquoi, je voulais apporter quelques précisions sur ta première remarque.
Ta deuxième remarque porte sur la répression du mouvement social par les forces de l’ordre. Tu suggères que devant cette répression il est difficile de parler de démocratie. Je condamne toutes les violences et si des fautes ont été commises par les forces de l’ordre il doit y avoir sanction. Un certain nombre d’enquête sont en cours un peu partout en France pour faire la lumière sur toutes ces affaires.
Nous sommes dans un état de droit et effectivement il est important que tout manquement aux droits de la part de la police, fasse l’objet d’enquêtes et de poursuite et de sanctions si les faits reprochés sont avérés.
Je souhaiterais aussi que soient condamnées toutes les violences, d’où qu’elles viennent, à l’encontre d’individus manifestant un avis différents que celui de ses interlocuteurs.
Ta troisième remarque porte sur le 49-3. Je suis d’accord pour dire que ce n’est pas la meilleure méthode pour faire progresser le débat à l’assemblée nationale. Mais cet article fait partie de notre constitution qui constitue le fondement de notre démocratie républicaine. On peut être en désaccord avec la constitution, on peut vouloir une 6° République. Mais la Démocratie n’est pas seulement un concept, c’est une réalité qui s’incarne dans notre pays dans une constitution qui a été adoptée à un moment donné et qui, comme je le disais plus haut, le socle de notre démocratie républicaine. On peut être en désaccord avec la façon d’utiliser le 49-3, mais on ne peut pas dire que ce soit un déni de démocratie, au risque de considérer que l’on peut prendre ce qui nous arrange dans la constitution et rejeter le reste.
Ceci n’enlève rien au fait que personnellement j’aurais préféré une autre tournure au débat. Mais ça ne me conduit pas à considérer la loi est entachée d’illégitimité.
Ta 4° remarque porte sur la hiérarchie des normes. Tu te poses des questions sur la signification du terme de « progrès social » s’agissant d’accord d’entreprises défavorables aux salariés.
Je crois qu’il faut admettre que nous pouvons avoir un débat de fond. Tout d’abord, je considère qu’il n’est pas juste de dire qu’il y a inversion de la hiérarchie des normes. Le code du travail reste la norme. La loi donne la possibilité de déroger à la loi sur certains thèmes limités et ceci uniquement dans le cadre d’un accord avec des organisations syndicales représentants plus de 50% des voix aux élections professionnelles, ou 30% des voix appuyés par un référendum d’entreprises à l’initiative des syndicats.
Je ne me suis jamais considéré comme un directeur de conscience des gens. Par contre je suis convaincu et c’est l’origine de mon engagement syndical, que l’organisation collective des travailleurs est le plus grand garde-fou devant l’arbitraire patronal. Et cela à tous les niveaux. De ce point de vue, donner la possibilité de déroger, de manière encadrée, au code du travail sur des thèmes touchant à l’organisation du travail, ne me semble pas constituer une régression, mais une possibilité pour les salariés de construire des réponses les plus adaptées. Je ne dirais pas la même chose si la loi votée était restés identique à la première version du projet de loi. Celle-ci prévoyait le seuil à 30 et NON 50% pour la validité de l’accord. Il prévoyait une décision unilatérale de l’employeur en cas d’absence syndical et un référendum à l’initiative de l’employeur. La pression des OS et le débat parlementaire a permis de faire évoluer le texte.
Ta 5° remarque porte sur un article dont le contenu a été profondément modifié par le débat parlementaire. L’alinéa auquel tu fais référence, n’existe plus dans la loi votée. Il existait dans la première version et constituait quelque chose d’inacceptable en effet.
Voilà, il me semble important pour un débat serein que l’on discute du texte tel qu’il est sorti de l’assemblée national et non pas tel qu’il y est entré. Sans cela, nous avons des débats qui suscitent des désaccords qui ne sont fondés sur rien. Su cet alinéa précis, nous sommes d’accord avec le fait qu’il était inacceptable. Pourquoi faire un débat la dessus entre nous aujourd’hui, alors qu’il n’existe plus.
Espérant avoir répondu à tes questions, je te dis à bientôt pour la poursuite de l’échange.
Gaby