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"Le nouveau Front National" Un livre Pédago, clair et utile pour le débat.

Dans une période de débat politique confus, le livre de Grégoire Kauffmann « le Nouveau Front national, les vieux habits du populisme »[1] est utile pour décrypter et analyser le discours de ce parti. Ce n’est pas la première fois que l’extrême droite tente de se draper d’habits plus présentable. Le premier à l’avoir fait c’est en fait Jean Marie Le Pen.

Après Mai 68 et la dissolution « d’Occident », (groupuscule dont, rappelons au passage, qu’Alain Madelin, Gérard Longuet et Patrick Devedjian entre autre, furent dirigeants), et sa renaissance sous le nom « d’Ordre Nouveau », l’extrême droit cherche à se banaliser dans « un parti légal et normal ». C’est par une décision du 2° congrès « d’Ordre Nouveau » que nait en 1972, le Front National. Jean Marie Le Pen est approché par les responsables d’Ordre Nouveau, pour prendre la présidence de ce nouveau parti. Il est choisi car il donne une image respectable (en comparaison aux groupuscules qui se sont illustrés par leur violence dans leur combat avec l’extrême gauche). « Le Pen est alors un pur produit de la tradition poujadiste et Algérie Française, pétrie d’anti communisme et d’antigaullisme. Une droite décomplexée, autoritaire, voire musclée, mais respectueuse des institutions ». Voilà donc Jean Marie Le Pen dans la peau de celui qui est chargé de dédiaboliser l’extrême droite. « Que le premier dirigeant du FN, qui devait se faire au fil du temps le principal obstacle à la « dédiabolisation », ait originellement été choisi pour mettre en œuvre cette stratégie n’est pas l’une des moindres bizarrerie de l’histoire frontiste ».

C’est la fille de ce dernier qui aujourd’hui, entreprend une démarche de « dédiabolisation». Mais ne nous y trompons pas. « En prétendant faire peau neuve le parti de Marine Le Pen renoue pourtant à plusieurs titres avec le système de valeurs hérité des jeunes néofascistes d’Ordre Nouveau qui lancèrent le Front National en 1972 »

Deux grandes tendances singularisent les origines du Front national, nous rappellent Grégoire Kauffmann. « Ces 2 lignes politiques en friction traduisent les contradictions originelles propres à la stratégie de dédiabolisation ».

D’un côté, ces jeunes militants d’ON, qui rapidement vont retourner à leur extrémisme initial. De l’autre Jean Marie Le Pen qui va assurer un temps, la continuité d’une ligne plus modérée.

A 45 ans de distance, nous dit l’auteur, « les éléments de continuité sont légions entre le discours de Marine Le Pen et les présupposés doctrinaux du Nationalisme révolutionnaire jadis porté par Ordre Nouveauqui entendaient proposer une 3° voie entre communisme et capitalisme . Si de fait, aujourd’hui de par la disparition du bloc de l’Est, « l’antimarxiste militant ne subsiste plus aujourd’hui au FN qu’à l’état fossile, l’antilibéralisme économique, quant à lui, se porte bien. C’est d’abord de ce côté qu’il faut chercher les éléments de continuité entre le « Ni droite, Ni gauche », d’Ordre Nouveau et celui de Marine Le Pen.

Cet antilibéralisme gauchise le discours du FN et apparait ainsi comme une force alternative à ceux que Marine Le Pen identifient comme les oubliés de la Gauche. L’auteur nous rappelle que « Si cette gauchisation du FN s’insère dans un contexte inédit, que Marine Le Pen se plait à simplifier entre « patriotes » et « mondialistes », elle peut s’interpréter comme la résurgence d’une vieille tradition… Ses sources d’inspiration puisent davantage dans le terreau du jacobinisme à prétention sociale qu’aux tréfonds de la droite traditionnaliste, remontent au sans-culottisme plutôt qu’à la réaction, renouent avec les utopies du socialisme pré marxiste ou antimarxiste plutôt qu’aux nostalgies de la contre révolution »

Cet antilibéralisme, cet anticapitalisme s’accompagne d’un appel à l’Etat, mais nous dit l’auteur d’un Etat enfin débarrassé des intermédiaires et des élites qui dénaturent sa volonté.

Les mots sont parfois piégés et piégeant. L’auteur qui nous rappelle que « La bataille des mots illustre le haut degré de complexité d’une sensibilité politique indocile aux classifications » nous rappelle que le discours de Marine Le Pen sur le retour de L’Etat, la République, emprunte à « une généalogie complexe allant du socialisme pré-marxiste au nationalisme révolutionnaire en passant par le boulangisme et l’anticapitalisme des fascismes français, sans être réductible à aucune de ces tendances ».

Ce livre très pédagogique nous éclaire sur le sens du discours de Marine Le Pen sur l’Etat, comme nous venons le voir. Mais il nous éclaire sur d’autres points importants dans la situation présente, « le racisme sans race » de Marine Le Pen, sa conception de la République et la Laïcité sur fond d’anti-Islam.

Aux journalistes aimant à rappeler l’époque ou Jean Marie Le Pen affirmait « croire à l’inégalité des races », l’auteur nous rapporte les arguments de Marine Le Pen qui sont toujours les mêmes « l’attachement de son parti aux valeurs républicaines », comme si l’invocation de ces hauts principes, nous dit Grégoire Kauffmann « valait immunité, contre la peste raciste et antisémite ». Et de poursuivre « Par un renversement inédit dont le FN est à la fois la cause et le symptôme, l’obsession de la république a fait le lit d’une nouvelle forme de racisme, un « racisme sans race » : Au rejet fondé sur la couleur de la peau et de la hiérarchisation biologique des groupes humains, s’est substituée l’idée d’une irréductibilité des différences culturelles. Cette phobie du mélange et de la différence a entretenu les haines viscérales typiques de l’extrême droite et réactivé le vieux jacobinisme d’exclusion dont le FN porte aujourd’hui l’héritage». Ainsi dit l’auteur «Le discours du nouveau FN est un puissant révélateur du glissement mis en lumière par Pierre-André Taguieff dans les années 80 : Le passage du racisme inégalitaire et biologisant à prétention scientifique, hérité du XIX° siècle et de la première partie du XX°, au néo-racisme différencialiste et culturel qui ne biologise pas le différent et ne hiérarchise pas les groupes distingués. Au déterminisme biologico-racial, cette nouvelle forme de repli identitaire substitue le déterminisme ethnoculturel fondé sur une perception négative de l’altérité et la réification du clivage entre « eux » et « nous »

Si la présidente du FN refuse officiellement de souscrire à la théorie du « grand remplacement », théorie qui consiste à expliquer que nous assistons à un complot visant à substituer la population française « blanche », « de souche » par « un peuplement d’origine extra européenne, principalement composée d’immigrés maghrébins et subsahariens, les fantasmes qui en sont issus inspirent profondément ces propos ». Et l’auteur de nous rappeler qu’un des premiers discours comme présidente du FN, Marine Le Pen décrivait « l’immigration comme un processus fou dont on se demande s’il n’a pas pour objectif le remplacement pur et simple de la population française ».

Mais cette vision n’est pas nouvelle Elle s’inscrit dans longue tradition inscrite au cœur de l’imaginaire conspirationniste. « A la fin du XIX° siècle le « remplaçant » avait le visage du juif, nous rappelle fort opportunément Grégoire Kauffmann.

Ce repli identitaire reposant sur l’exaltation et l’exacerbation des différences, permet à Marine Le Pen de convoquer « les valeurs républicaines, pour combattre le communautarisme ». Et le communautarisme qu’il faut combattre c’est celui que l’Islam et des musulmans « une minorité décrite comme impropre à l’assimilation et requalifiée en termes confessionnels » veulent installer chez nous.

Pour le FN, nous dit l’auteur, « L’islam et sa visibilité sont supposés menacer le consensus républicain et contrarier le principe d’égalité, au motif que certains droits différenciés seraient accordés aux français d’origine musulmane » Derrière le mot Laïc que Marine Le Pen assène, se cache un repli identitaire reposant sur une conception figée de la communauté nationale. « Ce que je défends dit Marine Le Pen, « c’est que la France qui est un pays laïc et de racine chrétienne, le reste[2] ».

« République, laïcité, citoyenneté, intégration : l’invocation des grands principes masque mal le désarroi d’une époque qui faute de pouvoir s’inventer un avenir commun, trouve refuge dans l’incantation et la valorisation de mythes et de symboles vidés de leur sens originel. La conversion du FN à la sémantique républicaine et laïque est aussi le fruit de cette confusion », nous dit l’auteur.

« Pendant négatif du projet émancipateur et progressiste hérité des Lumières, ce républicanisme défensif irrigue toute l’histoire du nationalisme, mais sa réactivation contemporaine ne saurait se réduire au seul FN ». Sous l’égide de Nicolas Sarkozy, nous dit l’auteur, « une large partie de la droite s’est mise à la remorque du FN sur la question des valeurs, des enjeux migratoires ou des politiques de sécurité, œuvrant à la frontisation du débat public et permet à Marine Le Pen d’imposer ses thèmes de prédilection ». Mais l’auteur nous rappelle également que « ce néo-républicanisme aux contours incertains va essaimer aussi bien à droite qu’à gauche. Non sans contresens et approximation, la notion de laïcité réinvestit massivement le débat public, à l’heure où la tentation communautaire semble invalider le modèle d’intégration à la française »

Je conclurais cette fiche de lecture, espérant qu’elle vous invite à lire et faire lire ce livre, en laissant la parole une dernière fois à l’auteur

« En ne retenant du legs révolutionnaire que la partie la moins fraternelle, la plus haineuse, la plus soupçonneuse à l’égard de la différence et de l’altérité…, le parti d’extrême-droite reste tributaire d’une culture politique et d’une vision du monde incompatible avec l’idéal d’émancipation et de tolérance propre au versant le plus universel de la sensibilité républicaine, le plus accueillant à la différence »

Gaby Bonnand

[1] Edition du Seuil. La république des idées Septembre 2016

[2] Marine Le Pen Interview Avril 2013 le figaro, rapporté par Grégoire Kauffmann

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