24 Juillet 2017
Parce que j’ai voté Macron au motif qu’en votant pour lui, j’ai voté « pour un Régime qui me laisse la liberté d'exprimer et de manifester mes désaccords avec sa politique »[1], alors je me sens tout à fait à l’aise pour dire tout le mal que je pense de certaines mesures prises par le gouvernement ces dernières semaines.
J’ai eu l’occasion de dire[2] que la décision de modifier le compte pénibilité s’apparentait à une reculade sur des principes pourtant affirmés devant le congrès début juillet. Bien que le Président de la République ait dit ce jour-là « Ce n’est pas la société des entrepreneurs que nous voulons. Ce n’est qu’un instrument au service de la seule cause qui vaille, la cause de l’homme », son gouvernement et lui-même ont cédé à la pression des entrepreneurs épris de liberté pour eux-mêmes et souvent pour eux-mêmes seulement.
De même, en annonçant la diminution de 5€ les APL pour diminuer la facture de 97,5 millions sur les trois derniers mois de l'année en cours, le gouvernement et le Président de la République reculent devant un autre principe affirmé devant le congrès ; « Ce n’est pas la société de l’équilibre des finances publiques, que nous voulons. Ce n’est qu’un instrument au service de la seule cause qui vaille, la cause de l’homme ».
En prenant connaissance des réactions de Louis Gallois, Président de la FNARS, de Claire Hédon, Présidente de ATD Quart Monde, Christophe Robert , Président de la Fondation Abbé Pierre, et de celles de nombreuses organisations syndicales de salariés ou d’étudiants, avec lesquelles je suis largement en phase, j’ai le sentiment qu’il y a un hiatus. Ou cette décision n’a pas été guidée par « la cause de l’homme », mais plutôt par « la société de l’équilibre des finances publiques », et il est temps de remettre les choses dans le bon ordre, ou il y a un désaccord philosophique et politique sur la conception de l’action pour la cause de l’homme, pour laquelle la lutte contre les inégalités est essentielle. Dans ce cas, il est urgent que tous ceux qui ont réagi à ce jour séparément, et qui depuis des années ont une action commune pour la cause de l’homme, dans la lutte contre l’exclusion, la pauvreté et les inégalités, travaillent ensemble et fassent entendre la voix d’une partie importante de la société, pour que dans un premier temps, cette mesure soit retirée.
Mais ça ne suffira pas. Louis Gallois a raison de rapprocher cette mesure de celle annoncée sur l’ISF qui va coûter plusieurs milliards €[3].
Les inégalités sont telles qu’elles sont insupportables. L’annonce de mesures en faveur des plus riches (sans pour autant tomber dans les excès de certains[4]), combinée avec l’annonce de mesures ciblées sur les plus pauvres a de quoi choquer.
Un recalage rapide est nécessaire pour ne pas enterrer un espoir qui s’est fait jour il y quelques semaines.
Une démocratie ce n’est pas une entreprise, les citoyens ne sont pas dans un rapport de subordination avec leurs gouvernants, et un débat démocratique ne se confond pas avec une démarche visant à faire adhérer des salariés à un projet d’entreprise par un management performant.
Il en va de l’intérêt du pays que la majorité et le Président sortent d’une espèce de vision rationaliste dans la gestion du pays.
Pour cela, l’action de la société civile organisée est capitale.
Gaby Bonnand
[1] Blog du 28 Avril : Que vive la liberté de s’opposer. http://ouvertures.over-blog.com/2017/04/que-vive-la-liberte-de-s-opposer.html
[2] Blog du 11 juillet : http://ouvertures.over-blog.com/2017/07/le-president-les-commentateurs-les-ideologues-et-les-acteurs-le-compte-penibilite-en-2-episodes.html
[3] Le Monde.fr 24/07/17 :Je ne peux pas ne pas faire le rapprochement avec d’autres mesures annoncées, comme celle de réduire l’impôt sur la fortune, qui va coûter plusieurs milliards d’euros. Cela est peut-être justifié dans le but de stimuler le dynamisme économique, mais il faut une politique équilibrée.
[4] http://www.liberation.fr/desintox/2017/06/26/non-la-reforme-de-l-isf-de-macron-ne-va-pas-permettre-aux-3-400-plus-riches-de-gagner-500-000-euros_1579584