La théorie du « ruissellement », vous savez c’est cette théorie qui consiste à dire que « plus les riches sont riches, plus tous les autres en profitent » par un effet de « ruissellement » du haut vers le bas.
Cette théorie, si elle a pu exister, ce n'est que dans des périodes bien précises (forte croissance) et dans un contexte bien déterminé, notamment une économie se développant essentiellement dans des espaces fermés.
Les dernières décennies marquées par l’internationalisation des économies et des modifications profondes dans le financement des entreprises et l’économie en général, avec entre autre une place prépondérante du marché financier, ont eu des impacts sur les systèmes de redistribution que ce soit la protection sociale ou la fiscalité. Ces transformations ont largement mis en débat l’efficacité de cette théorie et les politiques fiscales qui l’ont accompagné.
Certains ne sont apparemment pas encore convaincus de son inefficacité économique et de sa responsabilité énorme dans la progression des inégalités. Le FMI semble par contre, découvrir que la politique du ruissellement qu’il a défendu n’est pas la bonne « La plupart des pays développés ont été le théâtre d’un creusement notable des inégalités de revenus principalement causé par l’augmentation des revenus de marché du 1 % des plus riches. Une hausse des taux d’imposition les plus élevés ne ferait pas de mal à la croissance ». Ce sont en ces termes que se sont exprimés dernièrement les experts de l’institution.
En clair, les riches n’ont pas fait ruisseler leur argent, ils ont capté la manne pour leur bénéfice.
Hier cette théorie du ruissellement s’est rappelée à moi, alors que je me promenais sur les chantiers des ateliers du Métro Rennais, qui ont ouvert leur porte au public.
Vidéo, photos, revues, reviennent sur les travaux de la 2° ligne du Métro. C’est extraordinaire, une vraie ruche dans laquelle travaillent plus de 1200 personnes, de dizaines d’entreprises.
Mais alors quel rapport entre une visite d’un chantier de Métro et la théorie du ruissellement ?
Et bien pour moi la voilà :
Souvent lorsqu’on parle des investissements des collectivités locales, on parle de coût et d’endettement et donc de collectivités dépensières qui « plument » les citoyens et les entreprises par des impôts élevés, alimentant un discours complètement surréaliste qui oppose l’initiative privé entravée par des taxes et des collectivités locales dépensières. On pourrait tenir le même discours vis-à-vis de toute la sphère publique et de ses investissements.
Voilà que tout d’un coup, en me baladant sur le chantier en regardant les vidéos, j’ai pensé à la théorie du « ruissellement ». Pour le coup, cet investissement dans la 2° ligne du Métro donne à voir que les coûts, ce ne sont pas des trous, mais des hommes et des femmes de nombreuses entreprises qui travaillent dans des cabinets d’études, des ateliers, dans l’espace public pour réaliser le chantier qui répond à un besoins des populations de l’agglomération rennaise.
- Sans cet investissement, des hommes et des femmes sans emplois encore plus nombreux sur l’agglo ?,
- Sans cet investissement des citoyens et citoyennes de l’agglo, moins incités, à terme, à prendre le transport en commun au profit de moyens de transport plus polluants ?
- Sans cet investissement, moins d’innovations techniques, dans de nombreux domaine permises par cette réalisation, privant le territoire Rennais d’un dynamisme économique ?
Probablement, même si les choses sont trop rapidement dites.
Alors que l’on nous vente la réussite individuelle, on ne valorise pas, au contraire, les investissements de collectivités locales ou de tout autre acteur public, qui eux, sont souvent l’occasion de prouesses et de réussites collectives et favorisent un « ruissellement » sur l’ensemble du territoire concerné au bénéfice des citoyens.
La réussite individuelle, nous dit-on est importante. Elle fait de ceux qui gagnent des « premiers de cordées ». Personne ne conteste l’importance de la réussite individuelle et probablement même que ça peut en stimuler d’autres. Pour autant est-ce que cela justifie qu’il faille alléger ces gagnants de leur devoir de solidarité par une fiscalité avantageuse, au motif que leur gain ruissellera sur ceux du dessous ?
Cette réussite individuelle est assimilée dans notre culture française, à une réussite privée qui ne doit rien à personne. Elle vient souvent contester les réglementations, les cadres collectifs au motif qu’ils entravent cette liberté. Cette réussite suscite dans notre pays des controverses et alimentent un débat récurrent depuis plusieurs années qui opposent une vision du secteur privé qui permet toutes les réussites et une vision du secteur public qui lui au contraire contraint, entrave et freine tout dynamisme et toute initiative.
Si prendre en compte cette réalité culturelle est indispensable, entretenir ce sentiment par des politiques publiques, est contestable.
Cette mise relation entre un « ruissellement », hypothétique et contesté par les plus grandes institutions internationales, et le « ruissellement » visible et concret permis par des investissements d’acteurs publics, donne à voir que les choses sont plus complexes, que le privé ne vit pas en dehors d’un espace dans lequel les acteurs publics ont une importance capitale pour favoriser la et les réussites collectives.
Priver ces acteurs publics de ressources par des politiques fiscales favorables aux plus aisés, non seulement ne permet pas un "ruissellement" mais limite, au détriment de tous, l’action de ceux qui permette un vrai « ruissellement »
Gaby BONNAND