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Ce blog est un espace d'expression. Il a pour ambition de s'inscrire dans le débat politique, social et sociétal. "Ouvertures" signifie que le débat y est possible dans le respect des valeurs qui président à des débats démocratiques: écoute, respect des individus, sincérité ... C'est un espace dans lequel tous et toutes sont invités à s'exprimer. c'est par le débat que les idées progressent et s'enrichissent. Pour ceux et celles qui le souhaitent, il est possible de s'abonner, en suivant les indications sous la rubrique "s'abonner", situé à la droite de l'article.

Le paradoxe de l'emploi

Le 19 décembre, pôle emploi annonce qu’il y a en France entre 220 000 et 330 000 postes non pourvus, alors que le même organisme publie un nombre de demandeurs d’emploi en baisse mais encore très haut, à plus de 3 Millions.

Dans la même période PSA annonce son intention à la fois de supprimer 2300 emplois dont 1300 par rupture conventionnelle collective et d’embaucher concomitamment 1300 personnes.

2 situation apparemment paradoxales, voire des contradictions. Mais en sont-elles vraiment ?

Oui si on analyse l'entreprise comme seulement un lieu de conflit entre des intérêts de rentabilité et des intérêts sociaux ou dit autrement, si l’entreprise n’est considérée que comme le lieu du conflit entre le Capital et le travail.

Pour ma part, je pense que s’en tenir à cette simple analyse, est insuffisant. Certes, il ne s'agit pas de nier les intérêts contradictoires entre la Capital et le Travail, mais les paradoxes ou les apparentes contradictions que connait actuellement le marché du travail, ne peuvent pas être analysés qu’avec cette grille au risque de ne pas comprendre ce qui se passe et être à côté de la plaque quant aux solutions, notamment pour appréhender la place du travail et le rapport que les individus ont avec lui. 

Dans le cas des annonces de Pôle emploi, y-a-t-il contradiction entre un nombre important de postes non pourvus et un fort taux de chômage ?

Oui si on pense que l’emploi est seulement un bien marchand comme un autre.

Oui, si nous sommes dans une vision adéquationniste entre l’offre et la demande, comme si le marché du travail était un immense puzzle où il suffirait de trouver la bonne pièce pour le bon endroit. Nous savons très bien que ce n'est pas le cas. De plus en plus d’économistes, de sociologues ou même d’ingénieurs des mines[1] le disent : le rapport au travail ne peut se résumer à un échange marchand entre un employeur et un travailleur.

Cette apparente contradiction, est aussi le résultat d’une vision très hiérarchique de ce qu’on appelle le marché du travail. Dans ce dernier, seules les entreprises ont un rôle de définition des contours de l’emploi, des conditions de sa réalisation, de son organisation et de sa finalité, tandis qu’il est demandé aux individus de se plier à ces dictats. Cette hiérarchie qui pouvait être acceptée lorsqu’en échange l’entreprise donnait la sécurité (ce qui n’est plus toujours le cas aujourd’hui), n’est plus accepté ou l’est et le sera de moins en moins par une partie importante de la population en âge de travailler.

Non, si on considère que la liberté de l’individu est une « variable » que les économistes et les adéquationnistes, les prévisionnistes et autres rationalistes ne prennent que très rarement en compte dans leurs scénarios. Dans de nombreuses situations, cette liberté peut très bien amener l’individu à refuser de se plier à une contrainte pour lequel il n’a aucun mot à dire. Un certain nombre de postes non pourvus (pas tous) sont refusés pour des raisons de conditions de sécurité, de rémunérations, d’organisation ou tout simplement de dignité.

Non si on considère que les contreparties indispensables à la liberté et aux droits qui se nomment responsabilité et devoirs, ne sont pas des exigences sélectives en fonction de la place des uns et des autres dans la hiérarchie de l'emploi.

Dans le cas de PSA (PSA pris comme exemple parmi d’autres) les  propositions sont-elles contradictoires ?

Oui dans une situation où les travailleurs qui ont été utiles à la fabrication d'un produit ou d’un service à un moment donné, sont jetés même avec un beau chèque, hors d’une entreprise sans que celle-ci se soit donnée les  moyens de les former pour les accompagner aux évolutions des métiers, pour les remplacer par des gens formés aux nouveaux métiers dont elle a besoin.

Oui dans la situation actuelle de la plupart des grosses entreprises dont la gouvernance est totalement aux mains des actionnaires qui ont alignés les intérêts de la plupart des dirigeants sur les leurs.

Non, si les choix opérés par les entreprises dans le cadre d'une gouvernance renouvelée, dans laquelle les différentes parties prenantes sont présentes, font l'objet de négociations équilibrées avec les syndicats représentatifs permettant de dégager des compromis satisfaisants aux différentes parties concernées.
 
Non, si on considère que l'entreprise est un lieu de production de biens ou de services en perpétuelle évolution, qui nécessite des adaptations permanentes pour répondre aux besoins et attentes de ses clients, tout en prenant en compte les intérêts de toutes les parties prenantes. En clair, il n'y a pas de contradiction si les adaptations sont le résultat d'une co-production entre les différentes parties prenantes de l'entreprise.

Pour conclure provisoirement

Aborder ces questions sous cet angle nécessite de repenser la place du travail, comme un acte essentiel permettant à chacun de participer à la construction de notre destin commun. Travail comme acte de création répondant à des besoins individuels et collectifs.

Une telle approche ne peut se satisfaire d’une vision hiérarchique de l’emploi entre ceux qui décideraient des besoins à satisfaire, des contours des emplois, des conditions de leurs réalisations et ceux qui seraient dans l’obligation de se conformer à ces exigences en sacrifiant leur liberté de choix, parfois leur sécurité et surtout leur dignité.

 
Gaby BONNAND

 

[1] Alexandre Chevallier et Antonin Milza, tous les deux, ingénieurs du Corps des mines Le salariat un modèle dépassé ?

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