La semaine dernière a été marquée par 2 évènements importants, quoique de natures différentes. Le premier est l’annonce par le président de la République du plan pauvreté. Disons-le clairement ce plan va dans le bon sens et comme le dit Louis Gallois président de la FAS, c’est « un sursaut bienvenu ».
La philosophie qui le sou-tend est intéressante dans le sens où de nombreuses mesures veulent s’attaquer aux conditions qui créent la pauvreté dès le plus jeune âge. Les propositions de petits déjeuners aux enfants des zones d’éducation prioritaire comme l’augmentation du nombre de places en crèches, concrétisent cette philosophie. Cette dernière n’est d’ailleurs pas nouvelle. François Chérèque l’avait largement développée alors qu’il était chargé de la coordination et du suivi du plan pauvreté sous la présidence de Hollande. C’est dire que la maxime de l’International « du passé faisons table rase » n’est pas plus pertinente quand elle vient d’une supposée modernité que quand elle était proclamée par les communistes.
Reste maintenant les moyens à mettre en place pour financer ces mesures. Il est vrai que les décisions fiscales prises en début de quinquennat pour alléger les impôts des plus riches, ne vont pas faciliter les affaires. Mais des choses positives sont engagées et souhaitons qu’elles se mettent vite en place.
Le deuxième événement est la reconnaissance par Emmanuel Macron de la responsabilité de l’Etat Français dans la disparition de Maurice Audin, militant communiste, engagé dans l’action contre la guerre en Algérie, torturé et exécuté sur ordre. C’est un pas de plus dans le travail de mémoire encore important qu’il reste à faire concernant cette guerre. C’est un acte important qui succède à celui qu’il avait posé en Algérie, alors qu’il n’était pas encore président, en déclarant que la guerre d’Algérie était un crime contre l’humanité, avec toute la polémique qui s’en est suivie.
Ces 2 événements sont très importants, et revêtent même un certain courage. En effet, dans une période où dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, l’intervention de la puissance publique est considérée par des personnalités politiques de premier plan, comme relevant de l’assistanat supposé être le cancer de la société, et pour ce qui touche à la mort de Maurice Audin, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans les crimes commis durant la guerre d’Algérie est considérée, au mépris de la progression de la vérité historique, comme l’ouverture inutile d’une fracture de la société.
Je veux saluer ce que fait ce gouvernement comme j’ai toujours salué tout ce qu’ont fait tous les gouvernements quand ils ont agis pour faire progresser les droits et les protections des plus fragiles ou quand ils ont fait progresser la vérité sur notre histoire commune.
Dans le même temps, je veux souligner que ces 2 événements, pour importants qu’ils soient ne sont pas, pour autant l’expression d’une politique radicalement différente de celles qui étaient conduites auparavant. Pas plus que ces dernières, la politique menée par le gouvernement Philippe sous la présidence de Macron, n’est alimentée par une « pensée » cohérente, de nature à donner une lecture du monde dans lequel nous vivons pour en saisir les transformations et engager des actions capables de répondre aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux, dans une logique de progrès pour tous au sein d’un planète à réparer et à préserver.
Si il y a un monde qui est en train de se transformer radicalement, je suis de moins en moins sûr que la politique et la manière de la conduire et de la faire, nous fasse passer d’un âge ancien à un nouvel âge.
Ce n’est pas l’expression d’une déception, ni d’une résignation. Je crois toujours à la possibilité d’une réhabilitation d’une pensée progressiste, et la lecture du livre de Pierre Rosanvallon[1] me renforce dans cette idée. C’est un constat. Ce gouvernement est essentiellement pragmatique. Ce pragmatisme ne s’inscrit pas dans une trajectoire sou-tendue par une pensée progressiste cohérente, Ce pragmatisme lui fait prendre en compte des réalités sociales et politiques. C’est tout de même l’intérêt d’une démocratie et d’un gouvernement qui fait sienne ses valeurs.
Plus que des mesures qui viennent structurer la mise en œuvre d’une politique progressiste élaborée, les 2 évènements auxquels je fais référence ressortent d’une logique pragmatique prenant en compte des réalités sociales et politiques au regard des échéances qui s’approchent.
Gaby BONNAND
[1] Notre histoire intellectuelle et politique 1968 – 2018 Le Seuil