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Si la responsabilité du patronat dans l’échec des négociations sur l’assurance chômage est immense, je crois ce soir après avoir entendu Emmanuel Macron, que la responsabilité du gouvernement est encore plus grande.

Dans une tribune à Alternative économique.fr paru le 27 août, j’émettais 3 hypothèses concernant les raisons pour lesquelles Emmanuel Macron avait redonné la main aux partenaires sociaux pour réformer l’assurance chômage :

« A-t-il pris conscience que ce dossier était mal engagé car mal préparé par l’Etat ?

A-t-il pris conscience qu’agir seul était dangereux pour lui ? 

Cherche-t-il plutôt à donner à voir l’incapacité des partenaires sociaux à s’entendre sur l’avenir de l’assurance chômage ? »

Aujourd’hui, je n’en suis plus à faire des hypothèses. Il voulait dès le départ démontrer que les partenaires sociaux ne sont pas capables de prendre leur responsabilité. Et il n’a pas tardé à s’exprimer suite à l’échec des négociations

"On est dans un drôle de système ! Chaque jour dans le pays, on dit 'corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire'. Et quand on donne la main, on dit 'mon bon monsieur, c'est dur, reprenez-la'. Et le gouvernement va devoir la reprendre, car on ne peut pas avoir un déficit cumulé sur le chômage comme on a depuis tant d'années"[1].

Le mot qui me vient en premier pour décrire ce que j’ai ressentis en l’entendant, c’est écœuré. Oui, Je suis écœuré d’un tel discours qui tient plus d’un homme qui vient de remporter une victoire personnelle, qui a enfin sa revanche, que d’un Président de la République.

En fait, par cet effet de manche devant les Présidents de départements, Emmanuel Macron vient de confirmer qu’il a toujours souhaité que cette négociation échoue.

l’impossibilité de mettre en œuvre ses 2 promesses de campagne concernant l’indemnisation des démissionnaires et des indépendants privés d’emploi[2], l’impréparation totale de la partie chômage de la loi « pour la liberté de choix de son avenir professionnel » qui a valu au gouvernement des mises en garde de la part du Conseil d’Etat concernant le recours à la CGS d’une part et à la fiscalité d’autre part, dans le cadre d’un régime assuranciel, a fait tangué la majorité. Soucieux de calmer le jeu de ce côté, il décide en Juillet, de redonner la main aux partenaires sociaux qui venaient de conclure une convention 6 mois plus tôt et pour 2 ans.

Quand il redonne la main aux partenaires sociaux, il le fait avec des contraintes telles que celles-ci sont autant de cailloux dans les chaussures des partenaires sociaux pour éviter qu’ils réussissent à conclure. La lettre de cadrage demande entre autre à  l’Assurance chômage de faire plus de 3 milliards d’économies en 3 ans. Cette demande s’appuie sur une contre vérité, celle qui consiste à dire que l’UNEDIC est endettée de 30 Milliards, sans toutefois dire que chaque année l’UNEDIC finance à hauteur de plus de 70% le budget de Pôle emploi, ce qui représente plus de 3 Milliards par an et cela depuis 10 ans (soit 30 Milliards au total, proche du montant de la dette), période durant laquelle la dotation de l’Etat n’a cessé de baisser.

Il est facile de venir pérorer devant les présidents des départements, pour stigmatiser l’irresponsabilité des partenaires sociaux quand le Président de la République 8 mois plus tôt a passé la main aux partenaires sociaux comme l’on passe un mistigri à son adversaire de jeu.

En reprenant l’histoire depuis Juillet, il n’y a guère de doute, il a fait de l’Assurance chômage l’instrument avec lequel il voulait torpiller la négociation sociale comme démarche participative à la construction du droit social. Il a réussi.

Bien sûr il s'est appuyé sur les failles des partenaires sociaux. Il ne s'agit pas de le nier.

Michel Wieviorka a raison. Parlant des Gilets jaunes et du pouvoir en place, il écrit « Les deux semblent opter pour la démocratie directe, la relation sans médiations entre le peuple et le pouvoir»[3].

Mais au fond c’est moins le fait que Michel Wieviorka ait raison sur ce point qui me rend pessimiste ce soir, c’est que je ne crois pas Emmanuel Macron  capable d’entendre ce que ce même Michel Wieviorka dit pour sortir de la crise dans laquelle nous sommes.

« La crise se dénouera si des acteurs nouveaux, ou renouvelés, viennent réenchanter le système politique, mais aussi la vie associative, et si les acteurs respectables en place, à commencer par les syndicats, trouvent eux aussi un espace permettant que se construisent de façon durable les conflits et leur gestion non violente dont notre société a besoin.»[4]

Si je croyais Emmanuel Macron capable de s’appuyer, mis à part sur les startuppeurs qu’il affectionne, sur des acteurs nouveaux ou renouvelés, je ne m'inquiéterais pas trop de la méfiance, de la défiance, de l’animosité voire de la détestation même qu’il nourrit à l’encontre des syndicats.

Ce qui compte c’est la vitalité de la démocratie.

Mais ce soir je suis désespérément écœuré, et le mot est faible. Je savais depuis longtemps et même avant son élection qu’Emmanuel Macron n’avait pas une culture de la négociation, ni de la démocratie sociale. Mais sa référence fréquente à Rocard  m’avait laissé quelque espoir.

Gaby BONNAND

 

[1] Discours devant les Président des Département le 20 Février

[2] Ces 2 promesses se sont soldées par un flop avec seulement quelque 25 000 démissionnaires, et 30 000 indépendants concernés chaque année

[3] Point de vue Ouest France 19 février 2019

[4] Point de vue Ouest France 19 février 2019

Tag(s) : #Macron, #Assurance Chômage
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