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Il y a à première vue quelque chose d’étonnant quand on compare la logique qui préside à la réforme de l’assurance chômage et celle qui sous-tend le projet de réforme des retraites.
D’un côté, nous avons une réforme qui réduit drastiquement les droits au chômage des plus précaires et qui nous conduit inexorablement vers un système de filet de sécurité minimum en cas de chômage par l’abandon de la logique de l’assurance sociale (transformation des cotis en impôt : CGS pour la part salariale des cotisations et fiscalisation pour la part patronale)

De l’autre côté, nous avons une proposition de réforme du Haut-commissaire qui renforce la logique de répartition, avec certes d’avantage de contributivité, mais avec une sanctuarisation de la part du régime affecté à la mutualisation et à la solidarité. Oui, il reste encore beaucoup de choses à régler (entre autre la question de l’âge unique du taux plein) et la concertation devra s’y employer. Mais il est de fait, difficile de dire que ce rapport tourne le dos à la répartition ou détruit le caractère solidaire du régime. Quand il est institué une obligation de cotisation sur un revenu d'activité fixé à 3 fois le plafond de la Sécu, ou quand la part affectée à la mutualisation et à la solidarité est sanctuarisée au niveau où elle se trouve aujourd’hui, avec une cotisation dédiée à cette part de la dépense, il est en effet totalement ridicule de dire que ce projet est un simple enfumage ou une arme de destruction massive contre la répartition.

Même si il y a une différence de taille entre une réforme décidée par le gouvernement sur le point d’être finalisée et mis en œuvre, avec l’assurance chômage, et un rapport du haut-commissaire qui préconise une réforme des retraites que le gouvernement et le parlement doivent encore transformer en loi, il n’est pas absurde de penser que le gouvernement et le Président de la République partagent globalement la logique et les propositions faites dans le rapport du Haut-commissaire.

Pourquoi 2 réformes ou projets de réforme d’un même gouvernement, dont l’une fait de la responsabilité individuelle, la pierre angulaire de la réforme, au détriment de la sécurité individuelle et collective et l’autre privilégie les sécurités individuelles et collectives en restreignant les espaces pour des choix plus individuels[1].

Probablement que ces contradictions apparentes peuvent s’expliquer par de multiples éléments. Je voudrais ici faire l’hypothèse que ces contradictions de logiques de ces 2 réformes s’expliquent en partie par simple pragmatisme de Macron et de son gouvernement, pour répondre aux préoccupations de ceux et de celles qui constituent la partie de la société civile mobilisée derrière LREM, avec le sentiment que ce qu’exprime cette partie de la société civile mobilisée, représente ce que beaucoup de citoyens vivent et veulent.

Dans un contexte économique où l’accent mis sur la difficulté de pourvoir à des postes de travail, par manque de candidats, et la facilité qu’ont un certain nombre de jeunes ou de moins jeunes, diplômés ou pas, dans des secteurs en pointe, ou en développement y compris dans l’industrie ou le bâtiment et travaux publics…, à trouver du travail ou à changer d’entreprise, favorise le sentiment de vivre dans une période où si on veut trouver du travail, on peut.

Ce sentiment est très propice pour ceux et celles qui ont la chance de plutôt bien réussir, (et il faut reconnaître qu’ils sont nombreux), au développement de l’idée que le les chômeurs doivent se bouger pour trouver du travail, et qu’il n’est donc pas absurde de durcir les règles d’indemnisation. Cela bien sûr, tant que ceux et celles qui pensent cela ne sont pas touchés eux-mêmes et ne se rendent compte que trouver du travail ne dépend pas seulement d’une volonté personnelle. En attendant le terrain est libre pour transformer radicalement le système d’assurance chômage.

Par ailleurs, cette population mobilisée, entreprenante, en réussite professionnelle le plus souvent, est inquiète pour son avenir et notamment sur le long terme. Et s’il y a une question qui cristallise les questions d’avenir et leur flot d’inquiétudes, c’est la question des retraites.

Les campagnes de dénigrement des régimes de retraite, s’appuyant sur des faits objectifs d’illisibilité, de complexité, de multiplicité et sur leur difficile adaptation aux nouvelles réalités du travail et plus généralement des parcours de vie, ont largement contribué à dévaloriser et discréditer les systèmes de retraites tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui.

Les systèmes de retraite par capitalisation qui ont eu le vent en poupe, à une période, se sont pris la crise de 2008. Avec cette crise, la promesse d’un avenir radieux attaché à ces types de retraites, est devenu suspecte et la méfiance envers de tels systèmes, s’est installée.

Si des doutes se sont installés sur l’avenir des retraites en général, le désir d’une sécurité pour cette période de la vie, est fort. Les jeunes générations voient au travers de leurs parents et l’entourage de ceux-ci que la retraite est de moins en moins vécue comme une entrée dans la vieillesse, mais comme une période de la vie où l’on peut faire plein de choses. C’est une des raisons de l’intérêt porté à ce dossier de manière récurrente.

Cette partie de la société, qui se situe dans une réalité quotidienne relativement contraignante par les mobilités de tous genres auxquelles elle a à faire face, pour trouver du travail, se former en permanence, se loger, se déplacer…, est très sensible aux discours sur la responsabilité individuelle et souvent très dure avec la partie de la société qui réussit moins bien, moins diplômée, souvent en contrats courts ou à temps partiel, et alternant chômage et travail.

Mais ces mêmes hommes et femmes, veulent en même temps être sécurisés dans leur avenir et ils ne sont pas prêts à croire les marchands d’illusion. Ils veulent du concret, du solide et ont des doutes sur leur capacité à y arriver tout seul. Ils ont besoins d’être rassurés

Le projet proposé par le Haut-commissaire répond à ce besoin de sécurité, en donnant plus de lisibilité au rapport contributions/Prestations et au rapport contributivité/Solidarité.

Ces réponses très pragmatiques à des préoccupations immédiates privilégiant responsabilités et libertés individuelles (assurance chômage), et à des préoccupations plus lointaines privilégiant la sécurité (Retraites), laissent entière les questions de l’articulation dans la durée entre individu et collectif et plus largement entre liberté et égalité. Elles laissent également en jachère les espaces de réflexions transversales entre le court le moyen et le long terme.

Si le pragmatisme est une donnée indispensable pour toute action de transformation,  il ne peut être la seule boussole pour une action de transformation cohérence  dans la durée permettant aux homes et aux femmes de vivre ensemble aujourd’hui et demain.

Je n’ai pas de réponse toute faite, mais ces contradictions entre les sous-jacents des 2 des réformes, que j’ai essayé de mettre en lumière dans, sont le signe certes d’un certain pragmatisme mais également l’expression d’une absence de pensée permettant de donner sens et cohérence à une action politique de court, moyen et long terme qui se veut progressiste.

Gaby BONNAND

 

[1] Ceux-ci ne sont supprimés, au contraire, Bruno Le Maire a présenté ce mercredi en conseil des ministres un projet de loi pour booster l’épargne retraite

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Relation Assurance chômage-Réforme retraite, #Politique, #Macron