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Fruit d’une histoire de plus de 1,5 siècle, le système de Sécurité Sociale qui se met en place à la sortie de la guerre est une des pierres angulaires de notre façon de faire société en donnant corps à l’idée démocratique, au sein même du système de protection sociale.

L’intelligence politique d’un certain nombre de responsables engagés dans la résistance a permis au sortir de cette guerre de faire faire un pas énorme à notre système de protection sociale qui, rappelons-le, n’est pas né de toute pièce en 45.

la rénovation de la démocratie, en développant « une vraie démocratie sociale, à la fois en assurant une plus grande égalité dans la sécurité du lendemain et en développant une participation responsable de chacun et de tous à l’animation et à la gestion de l’action entreprise »[1], est au  cœur de la création du système qui veut « garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent »[2].

Il ne s’agit pas donc pas de résoudre une question ou un problème technique. Il s’agit de transformer la société, et la construction de la Sécurité Sociale vise cet objectif[3].

Aujourd’hui, notre système est beaucoup critiqué. Il l’est souvent à juste titre car la société dans laquelle s’est construit et développé le système de protection sociale, s’est fortement transformée. Ces critiques, qui visent à refonder le système afin de l’améliorer dans les protections collectives qu’il apporte, tout en prenant en compte le besoin de réponses de plus en plus personnalisées auxquelles les hommes et les femmes aspirent pour être des individus libres et responsables, sont essentielles et salutaires.

Comment répondre à un besoin de communs protecteurs qui fassent sens et à des réponses personnalisées qui ne se vivent pas en opposition à un système collectif ? Voilà la question qui sous-tend ces critiques qui doivent être prises en compte.

D’autres critiques sont beaucoup plus ambigües. Je parle de celles qui n’ont pas pour horizon la  refondation du système, mais son détricotage, selon les propos de Denis Kessler ou Jean Charles Simon[4].

Nous avons tout intérêt à faire la différence entre ces critiques pour aborder la question de la démocratie sociale dans le système de protection sociale au risque de n’avoir que des débats techniques portant sur les mécanismes ou des débats sur les relations entre régimes obligatoires et régimes complémentaires qui est une autre façon de poser le débat public/privé dans le domaine de la protection sociale.

Concernant ce dernier point, et pour sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes depuis trop longtemps qui a conduit à la banalisation de tous les acteurs privés qui interviennent dans la Protection Sociale, il est absolument nécessaire d’approfondir la question de la place et des formes de la démocratie sociale dans le système à refonder. Intégrer cette question est essentiel pour clarifier la place du lucratif et celle du non lucratif dans notre système de protection sociale, en n'en faisant pas un débat dogmatique mais simplement démocratique.

Beaucoup de travaux existent sur la refondation du système. De nombreux colloques, séminaires, tribunes, articles, revues traitent de ces questions et suscitent des débats, des controverses utiles et nécessaires. Parmi les thèmes abordés lors de ces initiatives, beaucoup ont trait à la performance du système dans une période où les formes historiques d’organisations de nos sociétés s’éloignent du modèle industriel qui en constitue la matrice.

Mais nous pouvons regretter que ce soit souvent le seul prisme de la réflexion. La démocratie sociale qui est un des principes fondateurs et un élément structurant d’un système de solidarité est pourtant fondamentale.

Pourtant, la question de la démocratie sociale, les conditions de son effectivité (qui ne peuvent plus être tout à fait les mêmes que celles qui ont prévalu dans l’histoire de ces 75 dernières années et dont les formes n’ont pas toujours été les mêmes), ne fait guère l’objet de discussions, de débats, de point à traiter, comme si elle était secondaire.

Pire, l’absence de réflexion sur cette question, a introduit depuis plus de 2 décennies, un biais dans le débat public sur la protection sociale. Biais qui a favorisé la substitution du débat sur la démocratie sociale dans le système, par un débat public/privé et les performances de chacun des acteurs pour répondre à des questions qui ne sont devenues finalement que des questions techniques dans un monde hyper rationalisé. Ceci à l’inverse de ce que disait Pierre Laroque « Le problème à résoudre n’est pas seulement ou principalement un problème technique. Il s’agit surtout de créer et de développer des comportements nouveaux, de modifier profondément la société dans son esprit même. »

Les raisons de cette absence de réflexion sont nombreuses. Notre système s’est progressivement institutionnalisé entrainant dans cette logique l’institutionnalisation des acteurs sociaux. La substitution en 1967 d’une gestion par les usagers par une gestion paritaire, est une étape structurante de cette institutionnalisation.

Par la gestion paritaire, les légitimités respectives des organisations syndicales représentantes des travailleurs et les organisations patronales représentantes des entreprises, ont été mise sur le même plan. Pourtant si les organisations patronales sont légitimes pour négocier avec les organisations syndicales, en vue de participer à la construction de droits pour les travailleurs, elles n’ont aucune légitimité à représenter les usagers des systèmes sociaux. Si la gestion par les usagers, via les organisations syndicales, avant 1967 n’avait pas été parfaite et connaissait de sérieuses faiblesses, la gestion paritaire n’a certainement pas clarifié la place de la démocratie sociale dans la conduite de notre système.

La confusion permanente entre le paritarisme producteur de droits via la négociation et le paritarisme de gestion, n’a pas arrangé les choses d’autant que dans le socle Sécurité Sociale, le paritarisme n’était que de gestion.

Les attaques contre le paritarisme à des fins de déstabilisations des organisations syndicales, de la part d’organisations patronales pressées de délaisser leur rôle d’acteurs de la négociation au profit de leur rôle de lobbying, ont eu pour effet d’enfermer un certain nombre d’organisations syndicales dans une défense du paritarisme sans le questionner véritablement.  

Probablement que la place donnée aux organisations syndicales et la notabilisation qui l’a accompagné via le paritarisme de gestion, a été un frein à une réflexion au sein des organisations sur les fondements de la démocratie sociale dans les systèmes et sur  les adaptations à opérer.  

Pourtant il n’y aura pas de refondation de notre système de protection sociale capable d’être un pilier de notre façon de faire société sans aborder sérieusement la question de la démocratie sociale et les voies de sa réalisation.

Nous sommes obligés de constater que c’est pourtant le parent pauvre des réflexions en cours.

Gaby BONNAND

Tag(s) : #Démocratie sociale, #Protection sociale
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