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Billet: Ne pas se laisser enfermer par les aspects déformants de la crise pour penser le système de santé de demain

Débat:A propos du papier "Après le discours de Macron".

Lecture: Laurent Berger, André-Comte Sponville et Cynthia Fleury

Billet 

Ne pas se laisser enfermer par les aspects déformants de la crise pour penser le système de santé de demain.

La période que nous vivons, nous l’avons déjà dit, met le système de santé sous tension avec des conséquences importantes sur les conditions de travail et d’exercice de nombreux soignants et soignantes, notamment à l’hôpital et dans les EHPAD. Il faut souligner leur abnégation et leur extraordinaire dévouement.

Si les projecteurs braqués sur les services chargés des malades dans l’épisode chronique de la maladie, met en évidence les tensions dues à un sous équipements des hôpitaux en lits de réanimation[1], il est évident que l’analyse du système de santé par le seul prisme des soins de réanimation, ne peut suffire à évaluer l’ensemble du système.

Sans vouloir tirer toutes les conclusions, car le temps qui vient devra être l’occasion d’un diagnostic sérieux avant de produire des réponses, je me risque à esquisser quelques enseignements de cette crise.

Le covid.19 est probablement révélateur d’un oubli ou d’une cécité générée par un sentiment de puissance

Le covid19, est révélateur d’un oubli ou du moins d’une cécité collective générée par un sentiment d’invincibilité et de puissance. Alors que certain nous promettaient « la mort de la mort »[2], renforçant un rêve d’immortalité, voilà qu’un microscopique « vivant » vient nous rappeler à notre condition humaine dont le taux de mortalité est de 100%.

Cette cécité ajoutée à une surdité tout autant collective aux alertes de nombreux chercheurs sur les liens entre santé et environnement[3], nous a presque conduit à considérer que les épidémies étaient derrière nous, alors que depuis 2002 ce sont plusieurs épidémies qui ont touché différentes parties du monde. Le SRAS en Asie principalement entre 2002 et 2003, Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014-2015 ou Zika en Amérique latine et centrale et dans les caraïbes en 2015.

Mais probablement que l’expérience de la grippe H1N1 en 2009, qui s’est avérée au final, peu dangereuse, mais pour laquelle l’Etat avait investi dans de gros moyens qui n’ont pas servi (en vaccins notamment) pour protéger la population, a renforcé un sentiment d’invincibilité face au risque épidémique. L’Etat a considéré qu’il était mieux armé pour faire face à d’éventuelles épidémies que pour faire face à un risque de dérive des finances publiques. « L’Etat s’est ainsi convaincu qu’une réduction de la voilure était nécessaire, d’autant que le déficit de la Sécurité sociale avait atteint ces années-là des records « abyssaux » : 27 milliards d’euros en 2010[4] ».

Pris entre la nécessité d’adapter notre système de santé pour prendre en charge les maladies chroniques de plus en plus nombreuses (trop cloisonné dans son organisation et son financement) et la volonté de contenir les dépenses de santé, notre système de santé ne s’est pas préparé à  la survenue de maladies infectieuses. D’une part il s’est délesté d’un certain nombre de moyens et d’autre part la puissance publique a largement réduit ses aides à la recherche fondamentale[5].

Dans l’avenir nous devrons poursuivre et accélérer l’adaptation de notre système de santé au traitement et au suivi des maladies chroniques tout en créant les conditions pour que notre système de santé puisse faire face à des épidémies fulgurantes et mortelles qui risquent de s’installer de manière récurrente dans nos sociétés. Mais nous devons également investir d’avantage dans la recherche fondamentale et notamment pour mieux saisir les liens entre santé et environnement pour mieux donner les moyens d’observer les phénomènes, d’en comprendre les causes et savoir les prendre en charge….

Le covid19, un révélateur des insuffisances des politiques de prévention

En mettant en évidence des inégalités sociales, la crise rend aussi visible la faiblesse de la prévention dans les politiques de santé. Déjà en Avril 2008, le rapport « France 2025 » notait la faiblesse de la France dans ce domaine[6]. Depuis les choses n’ont guère évolué. Selon un rapport de l’OCDE de 2017, moins de 2% de l'ensemble des dépenses de santé, lesquelles représentent 11,3 % du PIB. Elle est en dessous de la moyenne européenne qui est de 3,1%[7].

Aujourd’hui, avec la crise du covid.19, cette faiblesse se paie chère. Si l’on prend l’obésité, qui selon une étude de CHU de LILLE[8], est une caractéristique forte des personnes admise à l’hôpital de LILLE, pour covid.19, on remarque qu’elle ne cesse de progresser en France. Alors qu’elle touchait 8% de la population en 1997, elle en touche 17%[9] aujourd’hui. Quand on sait que l’obésité est un marqueur d’inégalité sociale, qui renvoie à l’alimentation, à l’activité physique, à la précarité…, on voit que cette crise sanitaire renforce les inégalités sociales.  

Par ailleurs, si la méconnaissance de l’efficacité des tests et l’absence de vaccins, du fait de la nouveauté du virus, nuit à une politique de prévention, on ne peut que regretter la faible implication des différents acteurs dans la prévention autour du covid.19, générée par le manque de tests et de masques.

Alors que cette crise met en lumière l’importance de la prévention, interrogeant aussi bien notre type de développement et ses impacts sur l’environnement que nos façons de vivre ensemble, c’est la fonction curative de notre système de santé qui est la plus visible. En se trouvant en première ligne pour sauver des vies, cette fonction curative révèle ses failles. Ces dernières suscitent de fortes revendications pour renforcer les moyens pour cette fonction de soins. Et c’est bien logique.

Mais attention, ce qui est donné à voir de notre système de santé aujourd’hui et la place de l’hôpital, dans cette crise, ne peut servir de seule référence pour tirer les enseignements pour mieux penser l’organisation du système de santé et son financement demain. Nous voyons bien que si notre système de santé a des failles dans sa fonction curative, il en a d’énormes dans sa fonction préventive, moins visible, certes dans la gestion quotidienne de la crise mais combien importante pour construire l’après.

Le covid.19 révélateur d’un système totalement cloisonné

Le cloisonnement du système de santé n’est pas vraiment une découverte. Les mouvements sociaux à l’hôpital de ces derniers mois comme ceux dans les urgences ou ceux affectant les EHPAD ont largement montré que le cloisonnement du système dans son organisation et son financement est une des raisons des dysfonctionnements multiples[10].

La crise, en renforçant la visibilité de ce cloisonnement, révèle l’inefficience de cette organisation et des structures supposées organiser et réguler le système que sont les ARS. Pendant que des hôpitaux sont saturés du fait du nombre important de malades connaissant un épisode aiguë de la maladie, des établissements privés ou mutualistes connaissent une période de calme comme jamais. D’autre part, dans la plupart des cas, la médecine de ville a été marginalisée dans le processus de détection du virus. Nous avons été capables de prouesses pour transférer des malades vers des hôpitaux moins chargés, nous avons été en incapacité d’assurer sur l’ensemble du territoire les parcours de soins et de santé, notamment pour les personnes souffrant de pathologies chroniques. Aujourd’hui des professionnels s’inquiètent de la situation d’un certain nombre de patients atteints de maladies chroniques[11].

Il est vrai que dans un système cloisonné, dont le financement repose essentiellement sur l’acte réalisé, ce n’est pas l’approche globale de l’individu qui est structurant, mais les différentes séquences de soins et de traitements, pour lesquels chacun des acteurs interviendra selon sa spécialité. Cette organisation laisse de fait peu de place à une démarche de parcours.

Si les ARS apparaissent comme des technostructures incapables d’organiser l’offre sur les territoires dans cette dynamique de parcours de santé, elles ne sont pas seules en causes. C’est notre approche de la santé qui est en question. Organisé pour soigner et guérir, notre système de santé est essentiellement curatif. Ce n’est que très récemment et notamment du fait du développement des maladies chroniques qui nécessitent un suivi, et d’approches nouvelles du vieillissement, que l’idée du « parcours de santé » a progressivement fait son apparition. Le HCAAM avait même émis l’idée d’une « médecine de parcours » dans son rapport de 2012[12].

Mais ces idées si elles ont donné lieu à des concrétisations autour notamment de pôle de santé, est loin d’e s’être imposée dans l’organisation générale de notre système.

Pour conclure provisoirement

L’organisation du système de santé doit être repensée autour d’un continuum entre ville et hôpital et les autres acteurs de santé, pour favoriser une démarche de parcours privilégiant une approche populationnelle. Celle-ci permet de positionner la prévention, le soin, l’accompagnement et le suivi, non pas comme des actes successifs mais comme des éléments clés et interdépendant d’une politique de santé.

Pour ce faire, le système doit d’avantage  se décentraliser autour d’ARS (ou un autre nom) qui doivent se transformer en institutions au service des acteurs locaux. Bien sûr cela ne vaut pas dire que chaque région doit développer son système de santé. Il s’agit d’avantage d’inverser la mécanique. Plutôt qu’une institution technocratique chargée exclusivement de mettre en œuvre des directives nationales, les ARS doivent devenir

  • des institutions dans lesquelles s’organise la démocratie sanitaire et sociale sur des territoires,
  • des institutions qui accompagnent les acteurs locaux dans le développement de projets structurant pour l’accès aux soins, à la prévention, à l’accompagnement (vieillissement, maladies chroniques…)
  • des institutions qui accompagnent les acteurs locaux dans la mise en œuvre et  le développement des objectifs de santé publique

Ce ne sont que des pistes. Nous n’échapperons pas au temps du diagnostic qui sera long. Mais essentiel pour ne pas aller trop vite vers des réponses plus en lien avec nos références passées sans prendre en compte les nouveautés générées par la cire actuelle.

Gaby BONNAND

 

[1] La France compte 3,09 lits de réanimation par habitants alors que l’Allemagne en compte 6,02. Infographie France Info 2/04/2020

[2] Laurent Alexandre et son livre la mort de la mort

[3] Bruno Canard Chercheur Le Monde 29 Février 2020

[4] Claude Le-Pen le Monde du 30 Mars2020

[5] Bruno Canard : Déjà cité

[6] Rapport France 2025 du secrétariat d’État à la prospective de 2008 p190

[7]Les échos 28 Novembre 2019

[8] Le Parisien le 12 Avril 2020

[9] Ministère de la solidarité et de la santé : «Obésité : prévention et prise en charge » 12/09/19

[10] « Santé, je veux qu’on m’écoute » Étienne Caniard, Gaby Bonnand édition de l’atelier Chapitres 4,6, 9 notamment

[11] https://www.e-sante.fr/confinement-les-medecins-craignent-les-consequences-pour-les-autres-maladies/actualite/615220

[12] Rapport annuel du HCAAM 2012 p.20

Débat à partir des articles publiés

Suite au Papier « Après le discours de Macron".

Le dernier Papier « Après le discours de Macron » a quelques réactions soit sur Facebook, Linkedin, sur le site du blog ou par mail. Plusieurs contributeurs considèrent que la confiance en Macron est impossible. Pour Alain, après la crise de 2008, « Sarkozy avec la crise de 2008 avait dit que le monde allait changer, Or rien n’a changé ».

Pour un autre Alain, si il y a une véritable volonté de la part du président de changer d’orientation, il doit retourner devant les électeurs « s'il devait en mener une autre, celles et ceux qui ont voté pour lui pourraient légitimement se retourner contre lui. Un tel changement de politique ne pourrait, dans notre pays démocratique, se faire sans discussion et approbation dans les urnes. Donc s'il veut changer de politique qu'il dissolve l'assemblée, qu'il démissionne et remette donc en jeux son mandat »

Quant à Georges qui reprend une fable de la fontaine « Tout beau parleur vit au dépend de celui qui l’écoute», ne crois plus en ce personnage d’État dont les actes ne vont pas dans le sens des mots.  « Alors à quoi bon les envolées lyriques, les formules pour séduire ? ».

Pour Jacques Le dernier discours de Macron lui rappelle ses discours de campagne présidentielle en 2017. Et d’affirmer « que ce qui compte, c'est les actes et la première réponse ce sont 20 milliards sans conditionnalité environnementale. Aïe ».

Ce billet a également suscité un débat sur le vote de l’assemblée sur le plan d’investissement de 150 Milliards pour soutenir l’activité économique.

Pour Élie, le refus d’intégrer dans la loi, un amendement sur la conditionnalité des aides aux entreprises, c’est le signe « que le gouvernement va financer les grandes entreprises polluantes sans poser de condition écologique ».

Paul est tout aussi septique qu’Élie « Le refus de la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale de conditionner l'aide aux entreprise stratégiques à la réduction de leur empreinte écologique augure mal de la sincérité de Macron »

Sur ce plan d’investissement, ce qui fait débat c’est aussi le vote des socialistes. Jean Yves se désole que ce plan ait pu être adoptée avec les voix du PS. Jacques ne s’en étonne pas « la croyance dans le productivisme n'est pas affectée par le virus. Beaucoup de socialistes et de "gens de gauche" croient encore au bien-fondé de produire plus d'argent, pour ensuite protéger les personnes et l'environnement des conséquences de ces productions incompatibles avec la planète. »

Alain essaie d’expliquer la position du PS « la réponse est : « nous soutenons ce plan massif en essayant autant qu’il se peut de l’améliorer pour qu’il soit le plus utile et le plus juste possible. Pour les mêmes raisons, nous prenons acte que ce plan d’urgence social et économique est aujourd’hui financé par la dette publique. A contrario, la question de savoir comment nous allons financer à terme cet effort exceptionnel ne peut faire l’économie d’un vrai débat démocratique. ». Répondant à Jean Yves il reconnait que la position du PS repose sur « une dialectique qui ne parait pas lumineuse à première vue » et pense « qu’il faut être plus net que cela en la période si on veut que l’après ne soit pas pire que l’avant ». Il souligne par ailleurs « qu’Il n'y a pas à gauche (ou à droite (mais ça ne m'intéresse pas) de réelles alternatives à la hauteur des enjeux », en appelant à se mettre «  tous au travail en laissant ce bon président Macron gérer ses contradictions... Toutes les questions sont posées grâce à ce virus, les réponses nous appartiennent... »

Référence de lectures

Quelques articles

Dans l'édition de Loire Atlantique de Ouest France du 21 Avril, Laurent Berger analyse la situation dans laquelle nous sommes et esquisse des réflexions pour l'avenir en insistant sur le temps de diagnostic qu'il faudra prendre et appelle à des états généraux du pouvoir de vivre. et pour compléter revoir Sur Public Sénat son décryptage de la crise et sa vision pour préparer et construire l’après.

file:///C:/Users/gaby/AppData/Local/Temp/interview%20Ouest%20France%20Loire%20Atlantique.pdf

Dans 2 entretiens accordés à des quotidiens, André-Comte Sponville nous invite à nous interroger sur les relations entre les objectifs liés à la protection de la santé et ceux liés au principe de liberté.

https://www.lecho.be/dossiers/coronavirus/andre-comte-sponville-j-aime-mieux-attraper-le-covid-19-dans-un-pays-libre-qu-y-echapper-dans-un-etat-totalitaire/10221597.html

 https://www.letemps.ch/societe/andre-comtesponville-laisseznous-mourir-voulons?utm_source=facebook&utm_medium=share&utm_campaign=article&fbclid=IwAR2n0V1T6Wy1EXxxvRnAOmVUDPWXBCl11ZC51LzyVcpDeTnMYvR_hqQKkk4

Dans une tribune au Monde du 23 Avril, Andrew Lakoff, professeur américain de sociologie à l’université de Californie du Sud, apporte un éclairage entre le principe de précaution et le principe de préparation.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/22/andrew-lakoff-les-maladies-infectieuses-ont-fait-l-objet-de-mesures-de-preparation-a-la-fin-des-annees-1990_6037360_3232.html

Livre

Un petit texte de Cynthia Fleury: Le soin est un Humanisme. Gallimard Mai 2019

Dans ce texte Cynthia Fleury "expose une vision humaniste de vulnérabilité, inséparable de la puissance régénératrice des individus. Elle conduit à une réflexion sur l'hôpital comme institution, sur les pratiques du monde soignant et sur les espaces de formation et d'échanges qui y sont liés, où les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l'attention créatrice de chacun à chacun"

 

 

 

Tag(s) : #Covid19
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