Billet d’humeur

L’Opinion fait dans les brèves de comptoir
Dans son Edito dans l'Opinion du 5 mai, Rémi Godeau craint que la CFDT oublie l'emploi, car selon lui "Laurent Berger a d’autres ambitions. Le héraut du syndicalisme autoproclamé réformiste souhaite participer à la construction du monde d’après. Bâti sur une spécialité maison revendiquée : le compromis.[1]"
En fait monsieur Godeau est déstabilisé par la CFDT dont l'action et le positionnement ne rentrent pas dans les cases de son logiciel de pensé.
Un syndicat c'est fait pour revendiquer, s'opposer au gouvernement et bouffer du patron. On lui a appris ça à monsieur Godeau. Et on lui a appris que son boulot c'est la critique du syndicalisme qui ne sert qu'à empêcher la machine économique de tourner et à faire de la politique.
Mais on ne lui a pas appris ce que peut être l'efficacité d'un syndicat. Non, le fait qu'un syndicat puisse être efficace de manière positive, ne fait pas partie de la base de données du logiciel, dont monsieur Godeau se sert pour analyser le syndicalisme.
Alors quand la CFDT première organisation syndicale fait des propositions précises pour inscrire le dialogue social comme conditions de réussite de la reprise du travail après le confinement, et en même temps propose avec les autres organisations du pacte du pouvoir de vivre, 15 mesures à prendre en urgence dans cette période de déconfinement, monsieur Godeau est perdu. Il ne sait plus où donner de la tête.
Alors monsieur Godeau essaie d'inventer une histoire en cohérence avec son logiciel. S’inspirant de Bertolt Brecht, monsieur Godeau préfère procéder à la dissolution de la réalité pour confirmer le bien-fondé de sa thèse.
Oui, parce qu'on a appris à monsieur Godeau qu'un syndicat qui pouvait avoir des propositions touchant à l'organisation du travail, à la fiscalité, à la pénibilité au travail, est un syndicat qui fait de la politique. Et on lui a appris qu'un syndicat qui fait de la politique ce n'est pas bien.
Mais notre éditorialiste a beaucoup de mal à inventer une histoire qui tienne la route. Il faut le comprendre. La CFDT qui signe avec le Medef et la CFTC un texte pour dire que le dialogue social est la condition de la réussite de la reprise du travail, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne peut pas être sérieux puisqu'on a dit à monsieur Godeau qu'un syndicat ne faisait que s'opposer. Donc ça ne marche pas.
Alors monsieur Godeau cherche où peut bien être l'erreur. Monsieur Godeau est tenace et très inventif. Il est remonté au milieu des années 90, les années des 35h dont la CFDT est l'instigatrice. Et bien vous savez quoi ? Les 35H[2], seraient, selon monsieur Godeau, à la source de la pénurie des masques que nous connaissons en pleine crise sanitaire. Alors le "réformisme " de la CFDT, vous savez! Il fallait le faire. Monsieur Godeau a osé.
Mais monsieur Godeau ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Il sent bien que son histoire des 35h et la pénurie de masques est un peu tiré par les cheveux. Il essaie un autre truc avec le compte pénibilité, toujours à l'initiative de la CFDT qui est une vraie usine à gaz. Mais tout ça ne lui semble pas suffisant pour faire le lien avec ce qu'on lui a appris de la politisation des syndicats.
Alors il a un éclair de génie qui tout à coup va lui souffler le lien avec son logiciel originel. La CFDT ne serait qu'une « organisation autoproclamée réformiste », qui ne ferait que servir l'ambition de son leader, à « participer à la construction du monde d'après ». Monsieur Godeau utilise des éléments de langage emprunté au registre du politiquement correct. On lui a dit qu'il ne fallait tout dire mais qu'il fallait suggérer. Suggerer suffisamment fortement, pour que le lecteur ait tout de même compris ce que monsieur Godeau n'a pas écrit.
En fait monsieur Godeau est en train de nous dire que Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT nourrit des ambitions politiques à brève échéance et que l'organisation syndicale qu'il dirige est au service de cette ambition.
Pour monsieur Godeau le pacte du pouvoir de vivre comprenant plus de 60 organisation se résume à un rapprochement entre Laurent Berger et Nicolas Hulot, et les propositions sur la fiscalité à une reprise des propositions de Piketty.
Voilà un éditorial qui relève le niveau du débat. Il est vrai que depuis le début du confinement, où le débat public se nourrit beaucoup d’expressions de philosophes, de sociologues, de juristes, d’économistes qui rehaussent le niveau du débat, le débat à hauteur de caniveau nous manquait.
Gaby Bonnand