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La pénibilité au travail existe bien, selon la Cour des comptes qui critique la réforme sous le premier quinquennat Macron

Emmanuel Macron n’aime pas le terme « pénibilité au travail ». Dans un discours en 2019, à Rodez il avait expliqué son aversion à ce terme. « Ça donne le sentiment que le travail serait pénible".

Certes, le travail n’est pas que pénibilité. Mais prendre en compte le réel c’est reconnaitre, que le travail  est aussi pénible.  

En 2003, au-delà de l’obtention de départ à la retraite avant 60 ans pour ceux qui ont commencé de travailler tôt (ce qu’on a appelé le dispositif « carrières longues »), la CFDT obtient que soit mentionnée dans la loi, l’ouverture d’une négociation sur la pénibilité au travail et ses impacts sur la santé des travailleurs et travailleuses.

Le patronat traine les pieds, mais en milieu des années 2000, les négociations démarrent. Cependant en 2008, elles échouent. Le patronat en porte l’entière responsabilité, lui qui a refusé que la réparation (c’est-à-dire la possible indemnisation  de cette pénibilité ayant un impact sur la santé des individus) soit intégrée dans un accord.

Si la négociation ne débouche pas sur un accord, elle permet cependant de se mettre d’accord entre organisations syndicales et patronales sur 10 facteurs ayant des impacts négatifs sur l’état de santé et leur durée de vie en bonne santé des salarié.es[1]. Ceux-ci sont officialisés dans un décret de 2011[2].

En 2014, Marisol Touraine alors ministre de la solidarité et de la santé sous la présidence de François Hollande, intègre dans la loi du 20 Janvier garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, un dispositif relatif à la prise en compte de la pénibilité pour le départ à la retraite, mais aussi pour réduire ces effets potentiels, par une incitation forte à la prévention. Ce dispositif s’appelle C3P[3], comme Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité

Ce dispositif est complexe. Il vise à prendre en compte les situations personnelles sans toutefois donner lieu à de nouveaux régimes spéciaux de branches ou d'entreprises. Pas simple de lier ces 2 objectifs dans une réalité du travail de plus en plus éclatée où l’hétérogénéité l’emporte sur l’homogénéité.

Cette complexité sert de prétexte à tous ceux qui ne veulent pas entendre parler de nouvelles contraintes pour les entreprises et surtout ne veulent pas s'engager dans un système de réparation. Sur le plan social, le MEDEF et la CPME sont vent debout, la CGT considère que c’est un pis-aller. Seule la CFDT défend la mesure.

Sur le plan politique, la droite est opposée au dispositif sans arguments. Elle reprend à son compte ceux du MEDEF et de la CPME.

Des missions[4] sur différents aspects, sont diligentées par le gouvernement pour travailler sur la mise en œuvre. Toutes soulignent la complexité mais aussi l’intérêt. Des dispositions pour rendre plus facile l’application de la mesure sont prises, telles les référentiels de branches. Mais le travail d'obstruction du patronat se poursuit.

Des chercheurs, des scientifiques, des professionnels de santé avaient beau démontrer l’impact sur la santé des salarié.es, qu’ont les expositions aux 10 facteurs retenus dans le dispositif, la logique oppositionnelle était partie et prenait de l’ampleur. Cette dernière n’avait pas de fondement, mais dire que c’était une usine à gaz, plaisait et suffisait pour demander sa suppression.

En pleine campagne électorale en 2017, les candidats ne se gênent pas pour caresser les opposants dans le sens du poli. Emmanuel Macron, candidat à la Présidence de la République s’engagea devant la CPME, à suspendre le dispositif C3P, s’il est élu. Pour lui, la pénibilité ça n’existe pas.

Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau Président a pris la décision de suspendre le C3P. C’était en Juillet 2017. On sait ce qu’il est advenu depuis sa suppression ou plutôt sa transformation  en C2P, comme Compte Professionnel de Prévention, qui a exclu de l’intitulé la référence à la pénibilité.

La Cour des comptes vient dire, suite à une analyse du dispositif[5], ce que de nombreuses voix (syndicats, experts, chercheurs…) avaient exprimé en 2017 lors de la transformation du C3P en C2P : La réforme de 2017 ne marche pas. « Le C2P n’a plus aucune vertu de prévention et  n’est pas à la hauteur des objectifs qui lui étaient assignés »[6].

En politique, pour des raisons électorales immédiates il est toujours possible d’ignorer la réalité. Sauf que s’évertuer à la cacher ne change rien à ce qu’elle est. C’est le cas de la pénibilité au travail qu’Emmanuel Macron a voulu ignorer.

Depuis c’est un caillou dans sa chaussure notamment sur le dossier retraite. Son obstination dès 2017 sur cette question a fait prendre plus de 5 ans de retard sur une question qui aujourd’hui lui revient en boomerang dans le dossier retraite

Et ce caillou, risque de faire mal sur le chemin de la réforme des retraites, d’autant plus que la Cour des comptes vient de sortir le 22 décembre, un rapport très critique sur la suppression du C3P en C2P, en 2017. la cour des comptes des comptes le détaille dans son rapport du
 « 
La logique initiale du compte était d’inciter les employeurs à réduire l’exposition de leurs salariés à la pénibilité en faisant peser sur eux une cotisation spécifique. Or, cette ambition a été abandonnée dès 2017 ».  En effet le gouvernement Philippe avait supprimé la cotisation qui avait pour objet d’inciter les employeurs à développer des politiques de prévention.

Voilà un rapport qui peut venir fragiliser le gouvernement en même temps qu’il vient donner des arguments à ceux qui ne veulent pas simplement contester une réforme injuste, mais faire évoluer le système de retraite par répartition vers plus de justice sociale.

Que de temps perdu quand l’idéologie l’emporte sur la réalité des choses.

Gaby Bonnand

 

[1] https://www.clesdusocial.com/les-10-facteurs-de-penibilite-definition-et-evolution-du-dispositif-compte-professionnel-de-prevention

[2] Ibid

[3] https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2015-3-page-13.htm

[4] Mission de Virville, Mission Lanouzière, Mission Bras, Pillard, Bonnand…

[5] https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/12/22/penibilite-au-travail-la-cour-des-comptes-critique-la-reforme-sous-le-premier-quinquennat-macron_6155383_823448.html

[6] Le monde du 22 décembre 2022 : https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/12/22/penibilite-au-travail-la-cour-des-comptes-critique-la-reforme-sous-le-premier-quinquennat-macron_6155383_823448.html

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