11 Février 2023
Ça n'aura échappé à personne que le mouvement social intersyndical actuel au sujet des retraites ne ressemble pas tout à fait aux mouvements sociaux que nous avons connus ces dernières années. Ne parlons pas des gilets jaunes qui s'apparentent davantage à une "jacquerie" qu'à un mouvement social. Je veux surtout parler des manifestations concernant 2 moments différents ces dernières années : celui du débat sur la loi travail en 2016 et celui contre la réforme de la retraite à points, en 2019 et 2020.
Les manifestations durant ces 2 périodes ont été émaillées d'épisodes violents et très souvent, les services d'ordres des organisations syndicales semblaient débordés.
Par ailleurs, ces manifestations, en faisant une place à la violence y compris de la part de certaines organisations syndicales, donnaient le sentiment de vouloir en découdre avec le pouvoir politique avec pour conséquence de politiser le mouvement et de n'offrir aucun débouché.
Ça n'aura échappé à personne que la Cfdt a, pour ces 2 Moments forts choisi, une autre stratégie, celle de faire progresser les dispositifs en débat par d’autres voies que la violence et des manifestations largement instrumentalisées à des fins politiques.
Dans le mouvement actuel, pas de violence:
L'édito de l'Obs. de cette semaine, qui a pour titre "LA CFDT ATTITUDE", décrit un mouvement qui ressemble à la CFDT, en notant avec justesse que la Cfdt et Laurent Berger ont apporté une vraie stratégie à l'intersyndicale: "Depuis le premier jour, il mise sur la pression citoyenne et non sur le blocage du pays".
L'éditorialiste Sylvain Courage note également que "Laurent Berger a su s'entendre avec Philippe Martinez pour mettre en échec les prétentions hégémoniques de Jean Luc Mélenchon sur le mouvement social"
Ça n’aura échappé à personne que cette sérénité des manifestations, tranche radicalement avec ce qui se passe à l’assemblée Nationale où les postures politiques révèlent la déconnexion totale de nombreuses formations politiques avec la réalité vécue par les citoyens.
Non ce mouvement ne ressemble pas aux autres.
Nombreux parmi les décideurs politiques ou les observateurs sociaux, considéraient que si la CFDT était devenue Première organisation syndicale de France, c'était dû à l'effondrement de la CGT.
Nombreux ont donc considéré, dans les cercles du pouvoir, mais aussi dans plusieurs rédactions de presse que cette situation n'était finalement qu'un épiphénomène dans l'histoire du déclin inéluctable du syndicalisme.
Et bien non, cette première place, n'est ni le produit du hasard, ni le résultat d'une règle mathématique.
Fruit d'un long travail de plusieurs décennies et donc de plusieurs générations de militants.es et dirigeants.es CFDT, cette première place repose sur une pratique syndicale de proximité qui a mis au cœur de sa stratégie l'amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs dans le cadre d'une société démocratique.
Et pour la CFDT, la démocratie ne se résume pas la légitimité politique. Si le droit de vote et son exercice par les citoyens.ennes, est une condition sine qua non à la démocratie, elle n'en constitue pas l'alpha et l'oméga. La légitimité politique n'est pas la seule légitimité en Démocratie. Dans le champ du social, il y a une légitimité des organisations syndicales. Elle s'exprime par le vote dans les entreprises, par l'adhésion aux syndicats, par la participation à des mouvements (manifs, grèves...) prévus par nos institutions.... Ces légitimités ne sont pas concurrentes, elles sont complémentaires.
La question du comment être le plus efficace possible pour les travailleurs pour ne pas rester à une légitimité formelle, est une question permanente dans l'histoire de la CFDT.
Ce long travail dont je n’ai dit que des bribes, a souvent été invisible dans l’espace public du fait d'une sensibilité plus forte des médias, des politiques et des pouvoirs, au bruit des arbres qui tombent qu'au silence de la forêt qui pousse. Mais l’invisible existe et un jour il apparaît.
Effet de surprise pour certain, au point de considérer que la CFDT a changé. Reconnaissance pour d'autres d'un travail de fond, au point de considérer que la Cfdt, sa façon de faire du syndicalisme, sa détermination à ne pas se faire récupérer par une opposition politique hors sol, imprime fortement le mouvement et peut permettre une sortie positive pour les citoyens et la démocratie comme le formule Thomas Legrand dans son billet d'hier dans libération « Si j’étais la plume D’Emmanuel Macron ».
Sylvain Courage dans son édito dit que ce sursaut démocratique impulsé par la CFDT, fera date.
Emmanuel Macron et son gouvernement ont une opportunité de faire de cette période un moment fort de mûrissement de notre démocratie. Le sera-t-il ? Il faut l’espérer.
Gaby Bonnand