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Ce blog est un espace d'expression. Il a pour ambition de s'inscrire dans le débat politique, social et sociétal. "Ouvertures" signifie que le débat y est possible dans le respect des valeurs qui président à des débats démocratiques: écoute, respect des individus, sincérité ... C'est un espace dans lequel tous et toutes sont invités à s'exprimer. c'est par le débat que les idées progressent et s'enrichissent. Pour ceux et celles qui le souhaitent, il est possible de s'abonner, en suivant les indications sous la rubrique "s'abonner", situé à la droite de l'article.

La Négociation, ni une méthode ni un processus, mais une démarche démocratique

Dans les débats actuels concernant le droit du travail, l'assurance chômage et la formation professionnelle, la place de la négociation, sa pertinence, les thèmes à négocier, les acteurs de la négociation,  font l'objet de débats multiples.
Ces débats nécessitent d'être remis en perspective, et de préciser notamment de quoi on parle, quand on parle de négociation.

Le terme de négociation est devenu un terme qui s'est banalisé, au point où la négociation est souvent réduite à une question de méthode ou de technique.

Il me semble que la négociation c'est bien autre chose qu'une affaire de méthode. C'est une démarche qui dit des choses sur la conception de la démocratie, sur la place des corps intermédiaires dans la conduite politique des affaires de la "cité".
C'est aussi une démarche qui sur le plan social nous dit des choses sur la place de l'entreprise, sur ses objectifs, sur sa gouvernance, mais également sur la place du travail.

La négociation comme démarche qui exprime une conception de la démocratie

Une société apaisée, sans conflit est une vue de l'esprit et une vision dangereuse.
À contrario, un regard lucide sur la réalité concrète, nous oblige à considérer  qu'une société est composée de groupes d'hommes et de femmes, d'organisations aux intérêts divergents, contradictoires même. Désaccords et conflits qui peuvent dégénérés en violence si ceux-ci ne sont pas régulés.

Vouloir faire société, c'est travailler à l'organisation d'un "vivre ensemble" qui tienne compte de cette réalité pour donner vie aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous savons qu'il n'y a pas de perfection dans ce domaine. C'est un objectif vers lequel nous tendons, en empruntant des voies qui doivent être cohérentes avec ces valeurs.

C'est en ce sens, que la négociation est une démarche permettant de faire progresser la démocratie.
Cette démarche ne signifie  pas l'annulation des conflits et des logiques contradictoires existantes. Au contraire, faire de la négociation une démarche de construction et de consolidation de la démocratie, c'est dans le même temps reconnaître que des conflits existent  et affirmer la nécessité de lieux de confrontation et de négociation en vue de dépasser momentanément ou durablement ces conflits par des compromis acceptables et vivables pour tous.

Compromis et Intérêt général

Parler de compromis nous renvoie, en fait à la notion d'intérêt général. L’approche de la démocratie développée ci-dessus, suppose de reconnaitre que l'intérêt général n'est pas par nature ou par principe défini une bonne fois pour toute. L’intérêt général est un construit social. Sa construction met en action différents types d'acteurs. Le législateur bien sûr, mais aussi, les acteurs de la négociation que sont les représentants des différentes logiques de la société, des différences sphères auxquelles appartiennent les individus:

  • Les organisations syndicales représentatives de leurs appartenances professionnelles et territoriales.
  • Les associations représentatives de leurs appartenances sociales et sociétales, mais aussi territoriales.
  • Les collectives territoriales représentatives de leurs appartenances géographiques et politiques
  • Les organisations économiques représentatives des intérêts de marché

La puissance publique dans le cadre du pouvoir exécutif et judiciaire est le garant de ces compromis successifs  qui constituent l'intérêt général.

Légitimité des corps intermédiaires

Cette conception de la démocratie exige de faire une place aux corps intermédiaires comme représentants des intérêts différents de la société.
Pour ce faire, il y a nécessité que la légitimité de ces derniers, reposent sur des critères objectifs et opposables, tels que l’indépendance financière, la représentativité, le nombre de personnes concernées, le caractère pluriel de l’organisation pour éviter le corporatisme, l’adhésion aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. En effet Il ne peut pas être confié une responsabilité de contribuer à la définition de l'intérêt général à des organisations dont la légitimité ne reposerait pas sur des critères objectifs et sur une adhésion aux valeurs républicaines.

Mais cela ne suffit pas. Les corps intermédiaires sont « institutionnalisables », même quand leur légitimité repose sur les critères objectifs et opposables. Nous le voyons tous les jours.

Prendre part à la construction de l’intérêt général nécessite de leur part un renouvellement de leur pratique permettant une représentation réelle de la société. Les responsables des corps intermédiaires n’ont pas plus de légitimité que les responsables politiques à parler des situations vécues par les hommes et les femmes, par les citoyens et citoyennes, de manière abstraite. Une parole "hors sol" reste une parole "hors sol" quel que soit celui qui la porte.

Faire la preuve de son implication, de sa représentativité réelle est indispensable. La représentativité formelle et la représentativité réelle des corps intermédiaires ne sont pas exclusives l’une de l’autre. La démocratie formelle ne s’oppose pas à la démocratie réelle. C’est par l’articulation des deux que la démocratie existe. Il en est de même pour la représentativité des corps intermédiaires

La Négociation comme démarche qui exprime une vision de l’entreprise

Dans le champ du social, la négociation, n’est pas comme certains aiment la définir, une méthode de management aux mains des dirigeants pour gouverner de manière pyramidale l’entreprise.

La négociation est la démarche qui permet aux différentes logiques qui s’affrontent dans l’entreprise de travailler là aussi à des compromis acceptables. Pour cela il faut de véritables lieux pour que cette confrontation débouche sur des compromis possibles.

Cela signifie que contrairement à ce qu’a développé la pensée ultra libérale, l’entreprise ne se résume pas à un centre de profit. Son objectif n’est pas de faire du profit. Comme le dit Laurent Berger «l’entreprise est d’abord une collectivité humaine. Avec, au centre, les salariés, qui produisent sa richesse et supportent les risques liés à son activité. Ils n’ont donc pas seulement droit à leurs parts du gâteau; ils ont aussi leur mot à dire ». 

Dans cette perspective, la négociation sociale en entreprise n’est pas seulement une question de procédure à respecter, mais elle est partie prenante de la gouvernance qui doit prendre en compte les différents intérêts qui concourent à sa marche, son évolution, son développement….

La négociation sociale comme démarche qui exprime une conception du travail et de sa place.

Dans cette vision de l’entreprise, le travail ne peut pas être simplement considéré comme une activité à subir selon les conditions définies uniquement par les managers et les actionnaires. Le travail permet à ceux qui le réalisent de participer à la fabrication de produits ou de services permettant de satisfaire des besoins.

De ce point de vue le travail est un acte de création, ce qui le différencie de l’emploi défini aujourd’hui, et de manière parfois caricaturale, comme une occupation permettant à un individu de ne pas être considéré comme chômeur. Le terme « emploi » ne dit rien sur la qualité de l’activité exercée, ni même sur son utilité.  La négociation comme démarche permettant aux salariés d’être véritablement partie prenante, c’est ouvrir des perspectives pour que les aspirations d’autonomie, de bien être, d’utilité, de création, d’émancipation… soient portées et confrontées avec d’autres logiques qui existent dans l’entreprise et qui seront aussi à prendre en compte dans la négociation pour que le compromis soit possible.

Réduire la négociation à une question de méthode, c’est atrophier la démocratie en donnant à voir que celle-ci se limite aux épisodes électoraux.

La « souveraineté du peuple » comme signifie étymologiquement le terme démocratie, nécessite que ce dernier soit en mouvement et s’implique de manière permanente. La négociation comme démarche permet ce mouvement et cette implication.

Gaby BONNAND

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