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"Berger, la bête noire" ????

Dans son billet[1], paru dans les échos du 18 décembre « Berger, la bête noire », Cécile Cordunet rapporte des propos de proches du Président de la république et du Premier Ministre, qui considèrent "qu'avec Laurent Berger, la CFDT « a changé »" que son secrétaire général « tourne le dos à ce qu'était la CFDT ». "Elle est passée d'une culture de la défense des salariés, à la défense des déshérités,… conduisant la centrale à se préoccuper d'une tranche marginale de la population plus que de l'intérêt général".

Voilà des propos violents d’un monde qui a probablement oublié de relire l’histoire de la CFDT, ou qui tout simplement ne connait pas cette histoire.

Je conteste bien sûr radicalement cette vision des choses, et pour cela je veux tout simplement m’appuyer sur un moment fort de l’histoire de la CFDT de ces 30 dernières années qu’est la congrès de Lille. Congrès qui a repréciser sa conception de l'action et du rôle du syndicalisme, sur la base d’une pratique syndicale intense de plusieurs années, suite au rapport Moreau et au congrès de Brest qui a fait de la négociation l’axe central de la démarche de transformation sociale de la CFDT.

Ce congrès de Lille réaffirme cet attachement à cette démarche de négociation et vient consolider une approche de la transformation sociale par la négociation qui est le contraire d’une « vision consensuelle ». Cette vision consensuelle, dit la CFDT dans un de ses rapports à Lille « s’inscrit dans une conception apaisée des relations de travail et nie le conflit des logiques et les intérêts différents[2]… »

La CFDT aurait changé de ligne et Laurent Berger tournerait le dos à ce qu’était la CFDT?

Dans un colloque organisé par la confédération en 1993, sur les nouvelles relations professionnelles, Jean René Masson, alors Secrétaire National en charge de l’action revendicative, rappelait le sens que la CFDT donnait à la négociation « La démarche contractuelle n’est pas une volonté de modération revendicative. Bien au contraire… Nous voulons faire de la négociation, quel que soit le niveau où elle se déroule, le moment fort autour duquel nous pouvons, à partir de revendications, organiser la mobilisation de nos adhérents et des salariés[3] » en vue d’aboutir à des compromis.

Le Congrès de Lille précisait cette approche de la démarche de négociation : « Notre option contractuelle se fonde sur cette capacité à vouloir des compromis dynamiques, à les construire et en assumer les responsabilités. Les compromis que nous recherchons ne reposent ni sur la négation, ni sur la confusion des intérêts. Ils ne sont pas non plus un médiocre apaisement consensuel qui atténuerait le conflit des logiques entre employeurs et salariés.… Pour la CFDT, le choix contractuel s’appuie sur la capacité à construire des compromis dynamiques. Ils se bâtissent dans la confrontation et l’expression de rapports de forces. La négociation est le moyen d’organiser cette confrontation et de lui donner un débouché positif[4] ».

 La CFDT serait passée d’un défense des ouvriers à la défense des déshérités, conduisant la CFDT à se préoccuper d'une tranche marginale de la population plus que de l'intérêt général?

En 1998, au congrès de Lille, la CFDT, dans son rapport sur les fonctions et missions du syndicalisme, rappelait que « Pour la CFDT, dans sa vision d’évolution de la société, l’intervention syndicale va au-delà de l’entreprise. Elle se manifeste dans la cité, dans les bassins d’emploi, dans les territoires, l’action pour l’emploi s’élargit aux questions de société. Cela se justifie pleinement dans la lutte contre l’exclusion du fait de l’interaction et de l’enchainement des causes[5] »

Toujours en 1998, dans le même rapport, analysant la société, la CFDT voyait dans « l’effritement des bases de la société, deux tendances à l’œuvre : Une radicalisation désespérée et une passivité résignée » et Elle affirmait avec force « Le risque est double : Enfermer les exclus dans une radicalité sans perspective et désigner des boucs émissaires notamment dans l’exploitation du thème de l’immigration. De ce point de vue, pour la CFDT, la construction de la cohésion sociale va de pair avec un renforcement de la démocratie[6] ».

Encore en 1998, la CFDT exprimait sa vision de l’intérêt général et de sa construction : « Porteur de l’intérêt collectif des salariés, des retraités et des chômeurs, la CFDT, de la place qui est la sienne, celle d’une organisation syndicale, entend contribuer à la définition de l’intérêt général et revendique la responsabilité des acteurs dans les choix et les arbitrages opérés[7] »

Je ne sais pas si les auteurs des propos rapportés par Cécile Cornudet ont lu ou relu ces rapports que trop brièvement repris ici. Je leur conseille de les lire très rapidement et d’en tenir compte, car le préalable dans toute négociation c’est la reconnaissance de l’interlocuteur « C’est respecter les rôles de chacun, sans jouer dans le registre complice, ni poursuivre le but absurde de mettre à terre l’adversaire[8] ».

Ce billet de Cécile Cornudet, utile pour donner à voir ce qui se joue dans le conflit en cours, m’a fait replonger dans mes archives. Merci à elle. Non seulement La CFDT et son Secrétaire Général ne tournent pas le dos à l’histoire de la CFDT, mais les positions que la CFDT défend aujourd’hui tant sur l’approche du dossier que sur la stratégie d’action est en totale cohérence avec l’histoire de la CFDT telle que reprécisée en 1998 : Définition d’objectif précis, finalisation du rapport de force sur ces objectifs précis, recherche permanent de la discussion pour arriver au compromis.

Gaby BONNAND

 

[1] https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/laurent-berger-la-bete-noire-115730

[2] Congrès de Lille 1998 Fonctions et missions du syndicalisme confédéré des choix des actes

[3] CFDT Ajourd’hui Les nouvelles relations sociales : Le défis P 10

[4] Congrès de Lille 1998 Fonctions et missions du syndicalisme confédéré des choix des actes

[5] Congrès de Lille 1998 Fonctions et missions du syndicalisme confédéré des choix des actes

[6] Congrès de Lille 1998 Fonctions et missions du syndicalisme confédéré des choix des actes

[7] Congrès de Lille 1998 Fonctions et missions du syndicalisme confédéré des choix des actes

[8] Congrès de Lille 1998 Fonctions et missions du syndicalisme confédéré des choix des actes

 
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