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29 Juin 2021
Les élections régionales et départementales ont connu une abstention record. Il serait tentant encore une fois de faire reposer cette situation sur les partis politiques. Bien sûr que ces derniers ne sont pas sans responsabilités sur le délitement de la démocratie qu’exprime ce fort taux d’abstention.
Sur ce créneau de la critique systématique des partis politiques, les voix ne manquent pas. Beaucoup d’observateurs ou météorologues de la vie publique ne vivent que de la critique de ceux et de celles qui s’engagent, qui se mouillent, sans jamais s’engager ou se mouiller eux-mêmes. On les voit 24 heures sur 24 sur les plateaux télé notamment sur les chaînes d’info en continu.
Ces critiques systématiques, développées dans les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux alimentent souvent les discussions au café du commerce. Elles abîment d’avantage la démocratie que les errements des partis politiques eux-mêmes, même si l’on peut regretter que des responsables politiques se prêtent aux jeux de massacre initié par ces médias
Oui, il y a des hommes et des femmes en responsabilité qui donnent une mauvaise image de la politique, des hommes et des femmes qui ont choisi la politique à des fins personnelles. Mais la majorité de ceux et de celles qui se sont engagés et qui s’engagent encore aujourd’hui, le font avec conviction. Beaucoup le font pour être au service de leurs concitoyens.
Il ne s’agit pas pour moi de nier le désenchantement des citoyens par rapport au politique, et la responsabilité qu’ont les partis politiques dans ce désenchantement. Mais il nous faut nous interroger sur les raisons plus profondes, en évitant de tout cristalliser sur la critique des partis et des responsables politiques.
Je veux dans ce papier m’arrêter sur une possible raison qui est celle de la très grande difficulté aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, d’équilibrer le couple Individu/Collectif
Cette difficile équation traverse chacun de nous. Nous sommes en permanence tiraillés entre nos propres désirs, nos propres envies, nos propres ambitions et ce qui est possible au regard du lieu où nous habitons, du logement que nous occupons, de l’entreprise où nous travaillons, de l’emploi que nous occupons ou pas, du travail que nous réalisons, des moyens dont nous disposons… Ce sont autant de situations qui mettent en tension permanente nos possibles choix individuels et l’organisation de la vie en société.
Depuis plusieurs décennies, la place de l’individu dans la société a fortement évolué. Cette évolution permis par le développement de l’éducation, de la formation, mais aussi par de multiples actions qui ont conduit à reconnaître l’individu dans ce qui fait sa singularité, est porteuse de nombreux progrès.
Cette évolution embarque avec elle des excès. Nous connaissons dans cette évolution, le développement d’une conception de la liberté individuelle caractérisée par l’absence de toutes les contraintes. La liberté de l’autre, des autres, devient contraintes, la vie avec les autres devient contrainte, Vivre ensemble avec d’autres, devient contrainte. L’apport ou la conscience de la place de l’autre, des autres, de notre façon de vivre ensemble, dans notre bien être individuel, a été minimisé.
Cette minimisation a eu pour effet de déplacer le curseur dans l’articulation entre l’individu et le collectif au détriment de ce dernier, souvent présenté comme une contrainte, un frein à nos choix et souhaits individuels, à notre liberté individuelle.
Le désenchantement des citoyens par rapport au politique, s’explique selon moi par cette atrophie du couple individu/collectif, par la surdimensionnement de l’individu considéré comme se faisant lui-même (le mérite) libre de ces choix (liberté d’entreprendre) pouvant tout faire (l’homme augmenté).
Cette vision de l’individu est une imposture. Personne ne peut exister sans l’autre, sans les autres. Une société fait d’individus libres en tous points sans limite, est une société de concurrence entre les libertés des uns et des autres. C’est une société de compétition et de guerre.
Il ne s’agit pas de porter de jugement, mais de constater que la satisfaction de tous les choix individuels est impossible. Nous n’avons pas tous les mêmes envies, les mêmes souhaits, les mêmes ambitions, la même approche du bien-être. Pourtant, c’est ensemble que nous devons vivre dans les différents espaces qui structurent notre existence (Quartiers, Entreprises, Régions, Pays, Europe, monde).
L’organisation du vivre ensemble, l’organisation des espaces collectifs c’est le champ du politique. S’il y a désenchantement vis-à-vis du politique, c’est avant tout par la mise au second plan ou notre désintérêt pour la chose publique, pour le collectif, pour ce qui est commun, au profit d’une réalisation de soi atrophiée très largement véhiculée.
Face à la crise du politique que nous traversons, nous devons nous poser les vraies questions et ne pas trouver dans les partis politiques, les boucs émissaires servant à chacun de prétexte pour poursuivre sa quête personnelle d’un hypothétique bonheur.
Le défi à relever est très difficile. Bien sûr qu’il concerne les partis politiques et toutes les forces sociales organisées. Il concerne aussi et surtout les individus, les citoyens.
De nouvelles pratiques de pouvoir tant au niveau local que national et même au niveau international, doivent se développer.
Si nous considérons que le désenchantement prend sa source dans le déséquilibre du couple Individu/Collectif au détriment du collectif qui est le champ du politique, le travail des Partis politique doit travailler aux conditions d’un rééquilibrage.
L’équilibre entre individu et collectif ne se trouve pas dans des théories générales. Il est à construire en permanence dans tous les espaces où des hommes et des femmes sont amenés à vivre ensemble.
Dans ce cadre-là, les partis politiques doivent cesser de se présenter comme des opérateurs proposant une offre politique… même désirable, à la manière d’un opérateur industriel proposant des offres de services ou de produits.
Les parti politiques doivent se présenter comme des acteurs de l’organisation des espaces communs permettant de construire le futur avec les citoyens, dans l’équilibre des libertés individuelles et les exigences du Vivre ensemble.
Tous les lieux qui aujourd’hui permettent ces coopérations, discussions, débats entre citoyens, organisations diverses de la société civile, pour construire cet équilibre doivent être valorisés et de partout ils sont à développer.
Il n’y aura pas de ré-enchantement du politique sans une revivification des lieux d’implications citoyennes permettant à chacun et à tous les échelons, aux citoyens de participer à l’équilibre du couple Individu/Collectif, jamais définitif, toujours en construction. C'est impératif pour rendre les espaces et le bien communs, comme des conditions de nos libertés individuelles, et non pas comme des contraintes atrophiant celles-ci.
Gaby BONNAND