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3 Juin 2013
Depuis plusieurs années, des études de l’IRDES, la DRESS ou d’autres organismes de recherche, les travaux du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie, ont montré que l’accès aux soins était entravé, pour des raisons financières, pour un nombre important de nos concitoyens. Les autres grandes raisons de cette difficulté d'accès se trouvent dans la faible organisation de l'offre de soins et sa difficile régulation. Situations qui engendrent également des surcoûts.
Dans ce contexte de difficile organisation de notre système de santé, d’une forte concentration des dépenses d’assurance maladie sur les maladies chroniques, de développement du progrès technique dans le domaine médical, les dépenses globales de santé ne cessent d’augmenter.
Cette augmentation des dépenses de santé a conduit à rendre une complémentaire en santé, indispensable, pour accéder aux soins.
Si cette réalité a été pointée par des travaux de recherche, ou par des rapports, elle a du mal à émerger dans l’espace et le débat public, autrement que comme un constat d’échec de notre socle d’assurance maladie qui n’arrive plus à couvrir correctement la population.
Il est très rare, dans ce regard sur cette situation, que l’on arrive à se projeter pour refonder notre système de santé et son accessibilité par tous, en adaptant son organisation à notre temps et en faisant vivre aujourd’hui les valeurs fondatrices de solidarité et de cohésion sociale.
Les tentatives de régulation et d’organisation de notre système de soins par la puissance publique ont connu de faibles succès. L’échec le plus cuisant est notre incapacité d’avoir pu trouver des modes de rémunérations des professionnels de santé, capables de favoriser une organisation plus collective dans le secteur ambulatoire. Incapable de faire face, au début des années 80, l’Etat ouvre les vannes en créant le secteur 2. Avec ce secteur un nouvel espace est ouvert pour les complémentaires en santé qui restaient jusque-là, cantonnées au remboursement du ticket modérateur. Espace qui s’est progressivement étendu aux champs sur lesquels l’assurance maladie se désengageait : le dentaire, l’optique, l’auditif, puis des moindres remboursements, le forfait hospitalier et autres forfaits pour actes chirurgicaux, puis les franchises….
Dans un contexte marqué par une pensée ultra libérale omniprésente, tous ceux qui veulent mettre de la régulation pour diminuer les restes à charge et mieux organiser le système de soins, ont du mal à se faire entendre.
Aujourd’hui, la voie choisie par le Président de la République, de réguler le champ d’action des complémentaires en santé en généralisant son accès, et l’ANI du 11 janvier 2013 ouvrent des opportunités nouvelles pour un véritable accès de tous à une complémentaire santé solidaire.
Cela nous oblige à travailler dans 4 directions
Nécessité sociale d'étendre à tous l'accès à une complémentaire santé.
Cette extension, ce n’est pas seulement permettre à ceux qui n’ont pas de complémentaires d’en bénéficier. Par cette généralisation, il s’agit aussi de combler les inégalités qui se sont développées entre les différents types de contrats. Inégalités largement suscitées par une logique assurancielle pure, privilégiant une approche individuelle du risque au détriment d’une logique plus collective et solidaire.
De ce point de vue l’accord interprofessionnel du 11 Janvier, en développant l’accès à un droit dans une logique de parcours est un levier et une première étape pour redonner une dimension plus collective et plus solidaire à la complémentaire santé.
Dans cette logique la généralisation doit reposer sur une prise en compte plus collective des risques et sur des contributions d’avantage liées aux revenus.
Rénover les contrats responsables
Les contrats responsables qui donnent lieu à une différenciation de taxation sur les assurances doivent largement aider à cette diffusion d’une complémentaire moins inégalitaire dans son financement et plus efficiente dans ses prestations.
Cela veut dire que l’exonération de la taxation sur les assurances doit être réalisée en contrepartie de critères précis : pas de sélection ni par l’âge, ni par risques ; des contributions proportionnelles aux revenus ; respect par les complémentaires, dans leur pratique de remboursements, des décisions d’ordre publique ; participation des complémentaires à la maitrise de la dépense globale de santé…
Remise à plat du financement par les aides de l’Etat.
Les aides fiscales et sociales qui sont attachées aux contrats collectifs doivent être assorties de contreparties fortes en terme de mutualisation et de solidarité (portabilité, financement de périodes non contributives, fonds social…). La logique initiée par l’accord du 11 janvier 2013, visant à sortir à la fois d’un droit lié à un contrat de travail et d’une logique individuelle, doit être prolongée. Le parcours de vie ne se limite pas au parcours professionnel. A une première mutualisation au sein de la branche, doit se mettre en place une mutualisation interbranche, puis interprofessionnelle pour prendre en compte les jeunes, les retraités et tous ceux qui ne sont pas ou plus inscrits dans des trajectoires professionnelles.
Par ailleurs, les aides de l’Etat via l’ACS et le fonds CMU (lequel est financé par les complémentaires) doivent être revues. Leurs logiques actuelles ont pour effet de stigmatiser des populations et créent des effets de seuils sans pour autant être satisfaisantes sur le plan sanitaire et social.
L’ensemble des aides doivent être redéployées pour prolonger la logique de parcours initiée par l’accord Interprofessionnel du 11 Janvier, par la création d’un dispositif de mutualisation servant à participer au portage du droit à la complémentaire santé tout au long de la vie.
Pour qu’une mutualisation soit possible faut-il encore que les garanties tendent à s’harmoniser, tout comme les conditions de la contribution. Les aides de l’Etat doivent inciter et accompagner cette logique d’harmonisation.
Une généralisation de la complémentaire santé qui ne peut se résumer à des mesures de solvabilisation.
L’évolution de notre système d’assurance maladie et de santé implique que le financement ne soit pas déconnecté de l’offre de soins et de son organisation.
Ainsi le développement de la généralisation de la complémentaire santé ne peut se faire que si les complémentaires en santé sont impliquées dans l’organisation et à la régulation de l’offre de soins.
Les aides fiscales et sociales doivent être des leviers pour que les régimes créés au niveau des branches progressent dans des prestations médicalisées. Par exemple plutôt que de mettre en œuvre des forfaits de remboursement pour les prothèses dentaires ou les lunettes, il vaut mieux proposer des taux de remboursements en fonction du « handicap » à récupérer.
La généralisation de la complémentaire santé doit s’accompagner d’un renforcement de la responsabilité des organismes gestionnaires de la complémentaire, dans la gestion du risque, dans la régulation et l’organisation de l’offre de soins, car une autre raison des difficultés à accéder aux soins c'est la mauvaise organisation voir l'inorganisation de l'offre de soins notamment dans le domaine de l'ambulatoire.
Une telle démarche ne peut être efficace que si elle se réalise dans le cadre d’une coopération étroite entre le Régime Obligatoire et les Régimes Complémentaires.
Si la généralisation de la complémentaire santé se résumait à une simple solvabilisation de l’offre, le risque serait grand de voir les complémentaires en santé, saper les efforts de régulation entrepris par la puissance publique, en offrant une opportunité de plus, à l’offre de soins, de capter cette nouvelle « manne ».