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Ce blog est un espace d'expression. Il a pour ambition de s'inscrire dans le débat politique, social et sociétal. "Ouvertures" signifie que le débat y est possible dans le respect des valeurs qui président à des débats démocratiques: écoute, respect des individus, sincérité ... C'est un espace dans lequel tous et toutes sont invités à s'exprimer. c'est par le débat que les idées progressent et s'enrichissent. Pour ceux et celles qui le souhaitent, il est possible de s'abonner, en suivant les indications sous la rubrique "s'abonner", situé à la droite de l'article.

Les propos du ministre du travail sont le reflet d’une "impensée" politique social-démocrate.

Quand un Ministre du travail demande publiquement aujourd'hui à Pôle emploi, ou hier aux ASSEDIC et à l’ANPE, de renforcer le contrôle des chômeurs, il ne demande pas à ce que le droit en place s’applique.

Pour faire cela, pas besoins d’injonctions ministérielles. Les textes sont clairs. Si des problèmes viennent à se poser, il y a des procédures. Le droit qui organise l’indemnisation et la recherche d’emploi des chômeurs n’échappent pas à la règle qui caractérise l’élaboration et la mise en œuvre des droits dans une démocratie.

Quand un ministre demande publiquement le renforcement des contrôles des chômeurs, il s’adresse au pays et à la population de celui-ci.

Ce message a pour objet, non pas de rappeler l’application de la loi, mais de lancer un débat public sur la responsabilité des chômeurs dans leur situation de chômeurs, desserrant ainsi la pression qui pèse sur le gouvernement et sur les entreprises.

Ce n’est pas nouveau. De nombreux Ministres du travail ou de l’emploi ont eu recours à cette méthode.

Ce qui est plus surprenant et inquiétant c’est que ces propos sont tenus par un Ministre d’un gouvernement dont le Premier Ministre vient de donner du sens à sa politique social-démocrate.

La social-démocratie, ce n’est pas de la bouillie de chat, ce n’est pas de l’opportunisme, ce n’est pas un "no man’s land", entre une pensée structurée néolibérale et une pensée socialo-étatique tout aussi structurée, qui se caractériserait par une impensée.

Non, la social-démocratie est exigeante. Elle nécessite une relation permanente entre l’action et la pensée, entre le réel et la recherche des voies et des moyens d’une action transformatrice de la réalité. C’est agir et penser en permanence la construction et le renforcement du « vivre ensemble »

Qu’est ce qui a bien pu pousser Monsieur Rebsamen à monter au créneau sur cette question ?

La question se pose d’autant plus qu’elle arrive quelques jours après une crise gouvernementale qui a, certes secoué le Parti Socialiste, mais qui a, semble-t-il été relativement bien gérée, si on s’en tient à ce qui a pu se passer à son université d'été de la Rochelle.

Le registre des réponses est pluriel.

François REBSAMEN a-t-il fait une bourde. ?

C’est une réponse difficilement entendable. A ce niveau de responsabilité, une telle bourde signifierait légèreté dans l’exercice de la fonction. Je ne crois pas à cette réponse. Monsieur REBSAMEN a prouvé son sérieux dans les responsabilités politiques qu’il a exercé.

François REBSAMEN croit-il qu’une pression supplémentaire sur les chômeurs peut produire chez ceux-ci une recherche plus active au point d’avoir des résultats sensibles sur le nombre de demandeurs d’emploi ?

Là encore, je considère cette réponse assez peu probable. Elle signifierait que le Ministre a une vision complètement erronée de la réalité. C’est vrai que de nouveau le chiffre de plus de 300 000 postes non pourvus est ressorti ces jours derniers. Mais j’ose espérer que le Ministre du travail ne se laisse pas avoir par ce type d’information qui n’a aucun fondement. Aucune étude n’a réussi à donner le moindre caractère fiable à ces chiffres. A ce sujet, s’il y a une chose qui est précise et concrète, ce ne sont pas le nombre de postes non pourvus, c’est le « turn-over » impressionnant dans la plus part des métiers dont on nous dit que les emplois ne sont pas pourvus. Ce sont les chiffres de l’organisme de recouvrement des cotisations sociales (ACOSS), qui le disent. Et là ce sont des statistiques et pas des « ragots ».

François REBSAMEN croit-il que le déficit de l'UNEDIC peut se résorber par une intensification de lutte contre la fraude ?

Possible. C’est une habitude de nombreux ministres qui se sont succédés au ministère du travail. Cet argument est absolument intolérable. Cette analyse sur la fraude est d’autant plus intolérable que l’on sait, depuis des études précises de ces dernières années, qu’en France le non recours aux droits dans tous les domaines, représentent des sommes sans commune mesure avec les chiffres de la fraude aux prestations sociales, indemnisation chômage compris.

Si, pour François REBSAMEN, la fraude constitue un levier de lutte contre les déficits il faut très vite qu’il lise le livre le livre "L'envers de la fraude sociale" (La découverte), écrit par les chercheurs de l'Observatoire des non-recours aux droits et services. On peut même le lui procurer.

François REBSAMEN est-il devenu un adepte des politiques de lutte contre l’assistanat, cancer de nos sociétés comme le dit Laurent WAUQUIEZ ?

Possible là aussi. Considérer que l’assistance est le cancer de la société, c’est considérer tous ceux qui bénéficient de prestations (non pas par choix, mais parce que leurs situations l’exigent) comme des métastases.

Avec ses déclarations, monsieur REBSAMEN a fait une faute majeure. Il a pris la roue des défenseurs des politiques conservatrices et néolibérales au moment même où le Premier Ministre et le Président de la République essaient de définir une orientation social-démocrate à leur politique.

Ce faisant il met en difficulté Manuel VALLS dans son action. Monsieur REBSAMEN ne peut pas ignorer que derrière la lutte contre la fraude aux prestations sociales, redynamisées sous la présidente de Nicolas Sarkozy (contrairement à la lutte contre l’évasion fiscale), et popularisé par son valet Laurent WAUQUIEZ, il s’agissait de faire la guerre au modèle social français.

Il faut lui substituer peu à peu un modèle où les prestations sociales soient conditionnées à des comportements individuels. L’objectif étant de rompre avec les systèmes de protections collectives et lui substituer un système où la responsabilité individuelle est le pilier. C’est une rupture majeure. Et la ligne de démarcation entre des politiques néolibérales et des politiques sociale-démocrates se situe justement là.

Encore une fois, pour étayer mon propos je fais référence à ce que disait Denis KESSLER dans un entretien à la fin des années 2000, au magazine « Challenges ». Parlant des réformes engagées par Nicolas SARKOZY , Denis KESSLER est clair: « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme...A y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ».

Voilà ce que véhicule, comme pensée, monsieur Wauquiez et ses compagnons politiques, lors qu’il s’en prend à l’assistanat. Derrière les mots se cache une pensée. Et celle-ci est clairement exprimée par Denis KESSLER. A lui on ne peut pas lui reprocher d’avancer caché.

Monsieur REBSAMEN quelle pensée se cache derrière vos propos ? Ne dites surtout pas qu’elle est social-démocrate. Vous vous attireriez les foudres de tous ceux qui s’en réclament et déshonoreriez tous ceux et celles qui ont inscrit leur nom à sa défense (JAURES, BLUM, MENDES FRANCE, ROCARD, DELORS...).

Au-delà d’une atteinte à la dignité des chômeurs qui, en soi, constitue une faute pour un ministre, car ces propos stigmatisent une population déjà en souffrance, s’ajoute une faute politique car elle vient brouiller un message que le président de la république et son premier ministre essaie de faire passer.

Mais VALLS ne réussira que si les partis qui structurent les forces progressistes de ce pays soient capables de régénérer une pensée social-démocrate qui irrigue l'action du gouvernement et de ses ministres et plus largement d'une majorité de gouvernemen.

Ça exige aussi de s’émanciper d'une pensée largement répandue à gauche qui veut que la "social-démocratie" soit synonyme de modération, voir de lâcheté, d'opportunisme ou de compromission.

Ce n'est certes pas à une révolution copernicienne que la gauche est appelée, mais à un sérieux travail de réflexion pour penser les transformations profondes permettant d'organiser le "Vivre Ensemble"

Gaby BONNAND.

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C
Merci Gaby ! Toujours aussi clair, précis, documenté et juste. Fidèle à tes idées, fidèle à l'homme avec qui j'ai eu l'honneur de partager une journée. Très cordialement.
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M
Merci Gaby pour la clarté de ton analyse sur cet "intolérable "politique. Je partage totalement. Il va nous falloir réagir à cette perdition . Bien à toi
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