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Ce blog est un espace d'expression. Il a pour ambition de s'inscrire dans le débat politique, social et sociétal. "Ouvertures" signifie que le débat y est possible dans le respect des valeurs qui président à des débats démocratiques: écoute, respect des individus, sincérité ... C'est un espace dans lequel tous et toutes sont invités à s'exprimer. c'est par le débat que les idées progressent et s'enrichissent. Pour ceux et celles qui le souhaitent, il est possible de s'abonner, en suivant les indications sous la rubrique "s'abonner", situé à la droite de l'article.

Réduction du temps de travail ne signifie pas uniquement partage de l’emploi

"Alternatives économiques" vient de publier un appel à remettre de manière urgente, la Réduction du temps de travail dans le débat public, signé par 150 personnalités[1]. Sollicité pour signer cette appel, j'ai répondu que je ne me sentais pas très à l'aise dans la formulation de l'appel.

Sensible à la question de la réduction du temps de travail, je trouve cependant qu'en explicitant les choses comme le texte le fait, on reste dans une conception marquée par une approche du travail qui se résume au quantitatif, qui se confond avec l’emploi. Je le regrette d’autant plus qu’un certain nombre de signataires et l’initiateur lui-même de l’appel, Alter-éco, ont largement, contribué à faire progresser une approche qualitative du travail.

Je ne nie pas l'importance de remettre le débat de la réduction du temps de travail dans le débat public. Mais nous devons l'accompagner d'un autre débat. Celui concernant le travail.

Attention de ne pas résumer le travail à l'emploi. Cette vision nous a conduit et nous conduit encore trop souvent, à ne pas traiter du travail lui-même, de ses mutations, de son contenu, des conditions dans lesquels il se réalise, du sens que les individus lui donne, de sa force créatrice, de sa force contestatrice d'un modèle d'organisation des entreprises et plus largement d'un modèle de développement économique…

Remettre la RTT dans le débat sans intégrer le travail, sa place, n’est-ce pas rester dans le cadre existant d’un modèle économique qui a rendu « le travail invisible » comme le dit Pierre Yves GOMEZ, et se limiter au "travail prescrit" (celui qui se réalise dans le cadre d'une relation de subordination)?

Pour Henri VAQUIN, sociologue d’entreprises, qui publie une tribune fort intéressante, dans les Echos du 18 Avril 2016[2], nous sommes aujourd’hui dans une impasse. La raison c’est de « s'être exclusivement occupés du chômage sans traiter la question centrale de la mutation du travail qui perçait dès les années 1970 » et d’expliquer plus profondément les causes qui nous ont conduit à cette situation « Parce qu'un jour nous avons connu le plein-emploi, nous l'avons confondu avec le travail. Alors que c'est la nature du travail, tel qu'il est offert ou non à l'individu, qui est la clef de son investissement ainsi que de l'investissement collectif. La production de richesse qui en découle permet de poser tout autrement les termes de l'emploi. Or, on a combattu le seul chômage sans prendre en considération les évolutions du travail, dont la mutation a commencé dès le début des années 1970 ».

Cette confusion ou cette non-différenciation entre travail et emploi se sont fortement accentuées ces dernières décennies. La bataille pour l’emploi est devenue centrale et a fait oublier que « la logique de l’emploi ne s’identifie pas à celle du travail », comme le rappelle dans une tribune a libération le 10 Mars 2016[3]. , Michaël FOESSEL, professeur de philosophie à l’école polytechnique,

Il explique que la « première est binaire », un individu a un emploi ou il n’en a pas. La logique du travail est « beaucoup plus subtile ». On peut, dit-il, « parfaitement travailler sans avoir d’emploi : quantité de chômeurs suivent des formations, exercent des métiers officieux, utilisent le temps libre qui leur est imposé pour se cultiver, etc. Réciproquement, on peut occuper un emploi et continuer à se sentir privé de travail ». Pour FOESSEL, « c’est toute une philosophie d’inspiration néolibérale de l’activité humaine qui se trouve au fondement de la substitution de l’emploi au travail ».

Je partage tout à fait ces analyses qui en rejoignent bien d’autres, sur l’insuffisante prise en compte du travail, de ses mutations et de sa place dans la société.

Je ne dis pas que la Réduction du temps de travail s’oppose à cette volonté de considérer le travail autrement.

Cependant, fort de mon investissement syndical, dans le développement de la réduction du temps de travail, dans la 2° moitié des années 90 et début 200, il me semble que si nous ne profitons pas de ce débat sur la réduction du temps de travail, pour mettre également en débat, le travail et sa place dans la société, le risque est grand, de voir le travail sacrifié à l’emploi.

Gaby BONNAND

[1] http://www.alterecoplus.fr/temps-de-travail/ensemble-remettons-la-reduction-du-temps-de-travail-au-coeur-du-debat-public-201605031004-00003400.html

[2] http://www.lesechos.fr/medias/2016/04/18/1214522_le-devoilement-du-travail-une-heureuse-apocalypse-

[3] http://www.liberation.fr/debats/2016/03/10/sacrifier-le-travail-a-l-emploi-par-michael-foessel_1438794

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D
Ni vous ni les articles cités n'explicitent les sens possibles à donner au travail. Pour Gale Giraud, la transition écologique a de quoi donner du sens au travail de toute une génération. Bien sur, les bullshit jobs et le bore out posent question. Mais cela n'évacue pas la question de l'emploi et le partage du "gâteau" des heures de travail socialement et économiquement nécessaires est une voie, la seule apte à nous rapprocher du plein-emploi, comme j'essaye de le montrer ici : http://www.leconomiepolitique.fr/quel-modele-de-partage-du-travail_fr_art_1436_75873.html<br /> Je lirai avec grand intérêt vos commentaires.
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D
Sur le sens du travail, Gael Giraud dit que la transition écologique pourrait être le projet de civilisation de toute une génération : voilà de quoi donner du sens à beaucoup de travail, dans tous les domaines. C
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L
Le travail doit etre vu en terme de facteur d'épanouissement humain et d'utilité pour l'ensemble de la société et pour les individus qui la composent; il ne doit en aucun cas etre perçu comme emploi facteur de rémunération;<br /> je crois que l'experience depuis un certain nombre d'années de la commune de MARINALEDA en andalousie contribue assez à ce que j'ai écrit in limine ; allez voir sur internet
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J
Il s'agirait surtout de ne pas faire de la peine à son cher petit patronat.<br /> Une dérive exemplaire de ce qu'a pu devenir la CFDT.
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B
Pourquoi lire dans ce texte quelque chose qui n'existe pas? C'est curieux cette façon de lire les choses avec un parti-pris quant on se dit démocrate. A moins que ce ne soit pas l'expression d'un démocrate mais de quelqu'un qui pense que ce qu'il pense doit s'imposer à tous.