2 Février 2018
Hier soir, au JT de France 2, à propos de la baisse des affaires prud'homales, un responsable Patronal analysait cette situation comme le signe d'un renouveau du dialogue social.
On peut toujours rêver mais je ne suis pas du tout sûr de cette affirmation. A y regarder de près, il semblerait que les réformes successives de la juridiction conduites ces dernières années, aient d'avantage pesé sur la diminution que le renouveau du dialogue social.
Attention aux effets d'optique. Nous n’avons jamais vu une modification des thermomètres, faire baisser la fièvre.
D'autres indices montrent au contraire que l'affirmation d'un regain du dialogue sociale n'est pas tout à fait vérifiée :
Ce qui est décevant dans la période c'est le sentiment que les gouvernants ne comprennent rien aux transformations profondes du monde du travail et du travail lui-même.
Une approche très technocratique des services publics et même des services au public ajoutée à une conception très individualisée voir individualiste et mercantiliste du travail, semblent empêcher nos responsables politiques et ce gouvernement particulièrement à penser les transformations nécessaires dans le cadre d’un projet cohérent.
Il me semble que les différents conflits cités plus haut sont l'expression de deux grandes questions qui se posent à nos sociétés. La première est relative au travail, à sa place, son concours à la fabrication de lien social, à son sens…. La deuxième concerne la redistribution de la richesse créée.
La place du travail
Le travail ne se résume pas à une fonction de création de richesse pour autrui, surtout quand un nombre de plus en plus restreint « d’autrui » accapare cette richesse.
Il ne se limite pas non plus à un moyen de satisfaire un simple intérêt pour le gain.
Il ne peut plus être considéré comme un vecteur pour s’assurer une protection contre l’abandon d’une part de sa citoyenneté à la porte de l’entreprise.
Enfin il ne peut pas être facteur d’émancipation que pour les premiers de cordées.
Entendre le gouvernement proposer des départs volontaires et le paiement au mérite comme colonne vertébrale de la réforme de la Fonction Publique, ou annoncer le dégel d’une enveloppe de 50 Millions d’€ pour les maisons de retraite, c’est vraiment ne rien comprendre au rapport qu’ont les individus avec le travail, au travail lui-même, à son contenu, au sens que les gens donnent ou veulent donner, à sa place dans le sentiment d’appartenance à un collectivité par l’acte créatif qu’il permet.
Bien sûr que la question des moyens est posée, mais elle ne doit pas éluder celle du travail. Par contre la question des moyens est relative à l’autre grande question que posent les conflits que nous connaissons aujourd’hui, celle de la distribution et de la redistribution des richesses.
La redistribution de la richesse
Cette question se pose à deux niveaux.
Le premier niveau est celui de l'entreprise ou du groupe. De nombreuses décisions concernant les écarts entre versement de dividendes et rémunération des dirigeants d'une part, et restructuration et pression sur les salaires d'autre part, sont incompréhensibles. En effet le périmètre du lieu de travail et celui de la distribution de la richesse créée ne sont pas les mêmes. Les mécanismes de distribution primaire sont devenus obscures et illisibles.
Le deuxième niveau concerne la redistribution plus générale. Compte tenu que l’indice de création de richesse (PIB) est réduit à sa seule dimension comptable, des secteurs apparaissent plus créateurs de richesses que d’autres. Au-delà du travail à réaliser pour faire évoluer la composition de l’indicateur de création de richesse, la question de la redistribution entre secteurs est posée. Elle est d’autant plus posée que les secteurs qui ont le moins besoins de travail, très utilisateurs de nouvelles technologies, créés d’avantages de richesses que les secteurs utilisant beaucoup de travail répondant le plus souvent à des besoins sociétaux (santé, enfance, personnes âgées, environnement...).
La manière dont le gouvernement pose les questions de la fiscalité, donnant une vision punitive de l’impôt va à l’encontre des défis que nous avons à relever. Si on ajoute à cela, la faute politique du gouvernement, dénoncé par un collectif, de ne pas avoir publié conformément à la loi de 2015, le rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse « qui impose depuis au gouvernement de suivre l’évolution d’un panel d’indicateurs de développement durable, de qualité de vie et d’inégalités afin de mesurer les effets des politiques publiques passées et à venir sur les plans environnemental et social », il y a de quoi être inquiet sur une possible évolution du gouvernement en matière de politique de redistribution.
Oui décevant vous dis-je.
Gaby BONNAND