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André Marivin, un grand responsable CFDT s'est éteint

André, a été Secrétaire Général de L’Union Départementale CFDT d’Ille et Vilaine de 1968 à 1978. Il fut membre du Bureau régional et de la Commission Exécutive de 1967 à 1978.

Hier lors de ses obsèques, un hommage lui a été rendu au nom de la CFDT que je retranscrits intégralement ci-dessous:

Hommage à André Marivin

"André, tu as été un militant et un responsable CFDT qui a marqué ton époque et marqué également tous ceux et toutes celles qui t’ont côtoyé dans ton parcours militant. Beaucoup se retrouveront dans l’expression de Jules qui t’a connu dans tes responsabilités et qui nous disaient : « André était un militant chevronné, un pilier de la CFDT et d’une très grande droiture, avec un soucis permanent de justice et de solidarité ».

C’est en en 1950 que tu adhères à la CFTC. Tu as 18 ans et tu effectues un stage de formation à l’AFPA, comme ouvrier du bâtiment coffreur-boiseur.

Très jeune tu t’intéresses à la vie sociale. Ton papa qui travaillait dans le commerce, a pris sa carte quelques années plus tôt à la CFTC après un passage à la CGT. Le Syndicat du commerce était animé par Robert Duvivier, secrétaire de l’union départementale CFTC.

Robert Duvivier est un homme avec lequel tu as beaucoup travaillé et qui a beaucoup compté dans ton engagement syndical à la CFTC puis à la CFDT.

C’est en 1958 que tu deviens permanent CFTC à l’union locale de Fougères. Ce sont les responsables de la CFTC de l’époque qui t’ont proposé cette responsabilité, alors que comme tu le disais, tu  ne connaissais pas Fougères. Mais grâce à Pierre Legavre ton prédécesseur à l’union locale, tu es bien accueilli par les militants de Fougères. Laissons  André parler de son expérience fougeraise qu’il a racontée dans plusieurs entretiens  

" La période fougeraise pour moi était assez extraordinaire. Un accueil très chaleureux des militants, des équipes que Pierre Legavre avait déjà mis en place.",

Fougères était une union locale très forte dans le département. Elle était propriétaire de ses locaux grâce à l’abbé Bridel, une figure  du syndicalisme chrétien de Fougères.

"L’UL, c’était de l’action syndicale, mais c’était aussi des cours professionnels. Je donnais des cours de législation sociale tous les mercredi soir. Les cours professionnels de la rue Chateaubriand de la CFTC, c’était quelque chose. C’était tout à fait le style bourse du travail. Ça me plaisait beaucoup, je trouvais ça sensationnel. Il y avait une cinquantaine de jardins familiaux. De temps en temps, il fallait aller mesurer les jardins, faire la paix en cas de conflits ... En même temps se créaient des entreprises de vêtements, des entreprises décentralisées qui s'installaient à Fougères (Cyclone, SPLI, SAPITEX, …) et j'ai été amené donc à créer des sections syndicales, le rôle du permanent à l'époque, c'était d’être continuellement sur le terrain, il y avait une boîte il fallait créer la section syndicale et le permanent se tapait un peu tout le boulot pratiquement "

 " On a connu un très grand développement à l'époque, jusque dans les années 68-70, une progression des effectifs extrêmement importante du fait sans doute de l'expérience du contrat d'entreprise chez Réhault qui nous donnait quand même des moyens assez extraordinaires. Dans le contrat était prévu que 2 % de la prime collective revenait à l'organisation syndicale, ça donnait des moyens importants ".

Cet accord très critiqué par les autres organisations syndicales était au contraire pour toi un moyen d’affirmer que l'entreprise était aussi l'affaire des travailleurs, ça ne devait pas être seulement l’affaire du patron et c'était une manière de remettre en cause le droit de propriété. Tu disais " cet accord avait un intérêt capital car il permettait à la section syndicale et au-delà de la section, au syndicat et à l’union locale qui drivait les affaires, de contrôler l’entreprise de A à Z. Il permettait aux travailleurs, dans la mesure où l’on faisait un effort considérable de formation, de s’approprier l’entreprise. "

Cette expérience alimente ta réflexion pour ton implication dans les débats confédéraux de l’époque autour de l’autogestion, de l’appropriation collective des moyens de production, et la planification démocratique. " C'est un peu à travers cette expérience très locale que moi je me suis retrouvé tout à fait dans la recherche de la CFTC puis la CFDT surtout de l'autogestion "

Très proche de reconstruction sans y appartenir comme tu le dis, tu joues un rôle important dans l’évolution de la CFTC en CFDT en 1964

Le développement que la CFDT a connu sous ton mandat à Fougères te positionne naturellement comme possible Secrétaire de l’Union départementale d’Ille et Vilaine.  Ce n’est donc pas un hasard si en 1968, tu  es sollicité pour prendre le secrétariat de l’Union départementale que tu acceptes

Une des premières batailles que tu auras à mener  sera d'obtenir d'autres locaux, pour que l’organisation, qui devait avoir pignon sur rue, ait les moyens de travailler

Tu as réorganisé aussi la vie de l'UD, en la structurant autour des Unions locales qui deviennent sous ton mandat Unions de Pays avec un objectif qui te tient à cœur : faire vivre la démocratie dans les syndicats professionnels comme dans les structures interprofessionnelles.

Tu as aussi mis en place et structuré le service Juridique avec Raymond Thomas, Michel Béranger et Annick Buffet qui n’oubliera jamais « l’équipe que vous formiez pour le renforcement de ce service, dans un souci de plus de justice »

Au moment de mai 1968, tu arrivais comme secrétaire UD mais tu habitais toujours sur Fougères. Tu disais que tu as vécu ces évènements à cheval sur Rennes et Fougères. Tu as vécu ces évènements de manière très active. Il y a eu mobilisation dans toutes les unions de pays. De nombreuses entreprises ont été occupées. Tu allais au contact des travailleurs la journée sur Rennes dans les entreprises occupées  comme Oberthur et le soir tu faisais le point avec les militants de Fougères où 2 entreprises étaient totalement occupées. Christian, jeune militant à Fougères t’as connu à cette époque se rappelle « Il m’a fait découvrir, avec Michel Béranger, la CFDT et ses valeurs que j’allais partager avec toi et avec de nombreux camarades fougerais. André était un soutien aux travailleurs des nombreuses entreprises en grèves sur le pays fougerais (La SPLI, Gaillard et Mignot, Rehault…) »

Tu profites de ce rapport de force pour ne pas tout attendre du haut et tu prends l’initiative de convoquer les patrons pour un accord interentreprises sur les minimas salariaux et des avantages sociaux.

Ça réussit  sur Fougères. C'était une première de réussir à faire signer tout le patronat de Fougères et même des environs du pays fougerais, de la chaussure, de l'habillement, de la métallurgie et du commerce, de toutes les professions.

Ça échoue sur Rennes. Dans l’analyse de cette période tu évoques la différence entre Fougères et Rennes. A Fougères  la mobilisation était plus syndicale, alors qu’à Rennes, la mobilisation a pris un tour plus politique. Ce qui te renforcera dans ta conviction d’un syndicalisme autonome. 

Parlant de 68 tu disais « On s’est retrouvé  d’emblée bien dans le coup de 68 ». Pour toi c’était dû au fait que la CFDT d’Ille et Vilaine, était mobilisée sur les problèmes d’emploi avec des méthodes d’action qui impliquaient d’autres forces grâce aux liens que tu avais su tisser avec des organisations paysannes, la FDSEA ou le CDJA, mais aussi les étudiants.

Cette coopération avec les paysans tu vas la mettre à profit pour initier un véritable travail de formation, en créant l’IPSOP (Institut de promotion sociale ouvriers et paysans) géré par la CFDT, la FDSEA et CDJA,  dans un moment où le développement des entreprises et l’exode rural  nécessitait des accompagnements et des formations. C’est de cet organisme qu’est issu Catalys qui aujourd’hui est un véritable outil pour l’accompagnement et la formation des salariés et qui est un partenaire important de la CFDT sur les 2 régions Bretagne et Pays de la Loire.

André, tu n’étais pas seulement un homme d’action, tu étais un homme de réflexion et de lecture et d’écriture. Tu avais étudié le marxisme dans les Écoles Normales Ouvrières (ENO), mais tu avais aussi et surtout lu Emmanuel Mounier. Tu as a fortement été influencé par le personnalisme. Au-delà de la puissance de réflexion que ces lectures et bien d’autres te procurait, tu étais attaché à la formation des militants et des dirigeants. Les Écoles Normales Ouvrières ont été pour toi de véritables écoles de formation et tu nourrissais le désir par leur développement de fournir aux militants une formation solide indispensable selon lui à une action syndicale efficace.

Associé à ce souci de la formation pour tous, tu as été aussi un artisan pour construire des outils d’expertise au service de l’action syndicale. Sur Fougères tu avais largement contribué à la création du CFFPS, le Centre Fougerais de formation et de la Promotion Sociale.

C’est dans cet esprit qu’e tu as contribué fortement à la création du CESPAR Comité économique et social du pays rennais) à Rennes, en coopération entre les syndicats et la Ville de Rennes au moment de l’arrivée de la gauche au Pouvoir

Durant tout ton mandat, tu n’auras de cesse de défendre un syndicalisme d’adhérents et de proximité, un syndicalisme de négociation plus près du terrain un syndicalisme de bourse du travail comme tu aimais à le dire.  Mais tu étais attaché à un syndicalisme autonome

André tu avais théorisé à partir de ton expérience à Fougères et en Ille-et-Vilaine, la dimension interprofessionnelle locale dans l'action syndicale. Tu ne voulais pas limiter l'action du syndicalisme à la seule dimension professionnelle, mais elle devait intégrer son environnement proche et l'ensemble des problématiques du quotidien des salariés. Tu t'inscrivais dans cette période des années 60/70 des luttes régionales en Bretagne dont le slogan "Vivre et travailler au pays" illustrait cette dimension régionaliste. Cette notion de pays, tu vas d'ailleurs la mettre en œuvre dans l'organisation de la CFDT, en en faisant la base du regroupement des syndicats et en réduisant l'échelon départemental à une structure de coordination. De fait tu vas participer à l'émergence de ces actions régionales autour de cette idée de développement que l'on appelle aujourd'hui local, mais qui en Bretagne prendra la géographie du pays.

Tu vas ouvrir le syndicalisme à son environnement et donner à la CFDT cette culture sociétale qui reste sa marque de fabrique aujourd'hui.

Cher André au Nom de tous les militants CFDT qui t’on connu directement ou pas connu, ta mémoire restera longtemps gravée en nous.

Merci André

Repose en Paix "

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