4 Mars 2024
Je ne sais pas si Macron a eu raison de dire ce qu'il a dit, au moment où il l'a dit et dans la forme avec laquelle il l'a dit, mais quand j'entends un intellectuel comme Pascal Boniface dire qu'il n'a « pas envie de mourir pour le Donbass[1] », ça me donne des frissons dans le dos. Ça résonne comme le titre de l'éditorial de Marcel Déat du 4 mai 1939 dans le journal "l'œuvre " "Pourquoi mourir pour Dantzig (aujourd’hui Gdansk)?". Dantzig est en Pologne et Hitler, non content d’avoir obtenu avec les accords de Munich, le dépeçage de la Tchécoslovaquie, exige le rattachement à l’Allemagne de Dantzig et du corridor du même nom. L’article de Déat est écrit après les accords de Munich. Il y développe l'idée qu'il ne faut pas s'opposer à l'annexion de Dantzig par Hitler. On sait ce qu'il advint de toutes ces concessions.
Mais je sursaute d’avantage encore quand je lis dans Marianne, les premières paroles de la chanson de Boris Vian, « le déserteur », en début de tribune de Léon Deffontaines tête de liste communiste aux européennes et Assan Lakehoul, secrétaire général mouvement de jeunesses communistes, pour exprimer leur volonté de ne pas être une génération sacrifiée.
Comment ont-ils osé ? Comment osent-il, au moment où Missak Manouchian et ses 23 camarades entrent au Panthéon pour avoir été fusillés pour leur combat contre le nazisme, pour la liberté et la démocratie, invoquer Boris Vian qui se fait le porte-parole par sa chanson « le déserteur », du refus de participer à une guerre coloniale, pour exprimer leur volonté de ne pas être une « génération sacrifiée » dans une guerre contre un dictateur sanguinaire et mafieux qui a entrepris un combat contre la liberté et la démocratie ?
L’évocation de cette chanson par les 2 auteurs est une honte
Avant de s’écharper sur l’envoi de troupes au sol ou pas, il y a une question centrale à trancher et une question subsidiaire.
La question centrale concerne l’analyse que l’on fait de cette guerre :
S’agit-il d’une guerre « pour satisfaire un capitalisme vorace qui se nourrit des ravages provoqués par des conflits armés[2] » ? ou s’agit-il d’une guerre que Poutine a entrepris contre la liberté et la Démocratie ?
Pour moi, il n’y a aucun doute, cette guerre est une guerre de Poutine contre la liberté et la démocratie.
Poutine a décidé de mener une guerre contre un modèle d'organisation sociétale, celui dans lequel nous vivons, les démocraties libérales.
Certes ce modèle a beaucoup de défauts, beaucoup de failles. Il y a dans ce modèle, d'innombrables points à améliorer et à transformer pour le rendre plus juste, plus solidaire, moins inégalitaire. Et nous sommes nombreux à nous battre pour ces améliorations et ces transformations.
C'est contre ce modèle que Poutine est en guerre. Nul besoin de lui trouver des circonstances atténuantes et surtout ne pas céder au piège qui consiste à croire que la guerre que mène Poutine contre ce modèle, en utilisant ses failles, aiderait à parfaire notre modèle
Une démocratie se mesure à la manière dont elle traite ses oppositions et ses opposants. L’assassinat de Navalny en prison, vient nous rappeler la trajectoire macabre de Poutine
Navalny n'est pas le seul qui ait été assassiné par Poutine et son régime mafieux:
Serguei Louchenkov, opposant à la guerre de Tchétchénie tué de 3 balles dans le dos dans l’entrée de son immeuble le 17 avril 2003
Anna Politkovskaïa, journaliste opposante est tuée de 5 balles dans son immeuble le jour de l'anniversaire de Potine, le7 octobre 2006
Alexandre Litvinenko, ex agent secret, meut empoisonne le 26 novembre 2006
Stanislav Markelov et Nouaïa Gazeta Anastasia Babourova, avocats tués le 19 janvier 2009
Natalia Estemirova, militante des droits de l'homme et journaliste, enlevée le 25 juillet à Grozny et retrouvée assassinée quelques heures plus tard.
Sergueï Magnitski, avocat fiscaliste meut en prison, le 16 novembre 2009
Boris Berezovsky, opposant à Poutine est retrouvé mort chez lui à Londres le 23 Mars 2013.
Boris Nemtsov, opposant à Poutine est abattu dans la rue à Moscou, le 27 février 2015.
La liste pourrait être plus longue et plus longue encore si on mentionnait tous ceux qui croupissent en prison après des simulacres de procès.
Évoquer le capitalisme vorace dans cette guerre est ignoble. C’est la ritournelle pacifiste que l’on a entendue de l’Union Soviétique durant ses 70 ans d’existence et de tous ceux qui lui avait fait allégeance, et parmi eux le Parti communiste français.
Honnêtement j’avais cru que le PCF de Fabien Roussel avait tourné la page de cette histoire.
Une fois, cette question centrale tranchée, la question subsidiaire est celle du rapport de force. Quels sont les moyens pour mettre en échec Poutine et augmenter le rapport de force.
C’est dans le cadre de ce débat sur les moyens d’accroître la pression, qu’il faut probablement entendre que rien n’est exclu pour augmenter le rapport de force qui est la seule équation que Poutine comprend.