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Ce blog est un espace d'expression. Il a pour ambition de s'inscrire dans le débat politique, social et sociétal. "Ouvertures" signifie que le débat y est possible dans le respect des valeurs qui président à des débats démocratiques: écoute, respect des individus, sincérité ... C'est un espace dans lequel tous et toutes sont invités à s'exprimer. c'est par le débat que les idées progressent et s'enrichissent. Pour ceux et celles qui le souhaitent, il est possible de s'abonner, en suivant les indications sous la rubrique "s'abonner", situé à la droite de l'article.

Nous vivons un temps démocratique intense

Le temps que nous vivons à l'occasion de la réforme des retraites envisagée par le gouvernement, est un temps démocratique intense.

Dans une démocratie, il est normal que celui qui, avec une majorité, même relative, est arrivé au pouvoir propose au parlement des projets de lois en vue de les travailler et de les faire adopter, sur différents domaines qui touchent à notre manière de faire société.

De même, dans une démocratie  il n’est pas anormal, au contraire, que différentes approches se manifestent sur les projets de lois que le gouvernement propose au parlement. Il est donc très sain que la question des retraites, l'évolution du système, fasse l'objet de plusieurs opinions et que ces différences apparaissent dans l’espace public.

Cette visibilité des différentes positions dans l’espace public est absolument indispensable pour que chacune et chacun se fasse une idée, se forge sa propre opinion.

Ainsi, est donné à voir que, quel que soit le sujet, les avis, les intérêts, les analyses sont différents selon les individus, leur position sociale, géographique, professionnelle, familiale, leur genre ou leur âge, et bien d’autres déterminants qui conditionnent un positionnement. Cette expression publique est de nature à rendre visible aussi la complexité d’une question, d’un système à transformer…

Très concrètement dans le temps qui nous occupe- le projet de loi retraite - quoi de plus normal que ceux et celles qui sont en charge de représenter l’intérêt collectif des salariés, (les syndicats) appellent ces mêmes salariés.es à faire entendre leur voix dans l’espace public durant ce temps d’élaboration de la loi, par les voies et les moyens que nos institutions prévoient (manifestation dans la rue, grèves, pétitions…). C’est les sens des manifestations des 19 et 31 Janvier 2023

De même, quoi de plus normale que le débat s’installe au parlement entre les différentes formations politiques pour débattre et chercher les conditions d’un rapprochement des points de vue.

De ce point de vue, l’instant « politique » (au sens non partisan du terme) est un temps extrêmement intense sur le plan démocratique.

  • En effet, les syndicats ont su capté une sensibilité forte des salariés.ées aux questions de retraites. Ils ont su proposer à ceux-ci, des lieux d’expression sur un objectif unique « le refus du report de l’âge à la retraite". Ces propositions ont reçu un accueil très favorable et les salariés ont répondu et se sont déplacés en très grand nombre, par 2 fois sur l’ensemble du territoire.
  • Le parlement est en train de jouer son rôle en travaillant sur les propositions d’amendements des uns et des autres

Cette photographie est intéressante, car elle donne à voir la place des différents acteurs de la société, la logique et le positionnement des différentes légitimités en présence : Celle du Président de la République et de sa majorité, celle de la représentation nationale au parlement, celle des organisations syndicales. Ça donne envie de dire que les conditions sont réunis pour avancer vers des compromis.

Et pourtant, cette période intense de démocratie, est vécue comme une crise. Pourquoi une telle situation ?

Une vision atrophiée de la démocratie de la part de nombreux responsables politiques

Je ne prétends pas ici expliciter toutes les raisons nombreuses qui concourent à cette situation. Je n’en ai pas la compétence. Je propose une hypothèse qui n’explique pas tout mais qui me semble être déterminante.  

Dans notre pays, la vision entretenue par de nombreux responsables politiques, est une vision qui intègre très peu la place de la société civile. Dans son livre « Le modèle politique Français, la société civile contre le jacobinisme , de 1789 à nos jours, paru en 2004, Pierre Rosanvallon nous éclaire sur cette situation qui prend racine au moment de la révolutions française : « La révolution française a su détruire l’Ancien régime, mais elle n’a pas été capable de construire une communauté politique sur un autre mode que celui de l’universalisme abstrait[1]… La constitution de corps intermédiaires est considérée comme une menace insupportable pour ce qui fonde le gouvernement représentatif[2]… Si l’organisation jacobine première a fortement été corrigée, la culture politique de la généralité est restée dans les têtes avec toutes ses conséquences en termes de conception de la souveraineté ou de l’intérêt général. Les prétentions du monde politique à incarner seul l’intérêt général ont continué de leur côté à peser[3] ».

Dans l’espace politique Français d’aujourd’hui, cette vision de la démocratie a le vent en poupe. Dans le champ démocratique[4] où les forces politiques décentralisatrices et réformistes sont en crise, la vie politique se polarise autour de 2 responsables politiques qui se nourrissent de cette vision très jacobine de la politique : Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon. Bien sûr le contenu de leur politique diffère, mais ils s’opposent sur le même mode et ont besoin l’un de l’autre pour exister. C’est en quelque sorte l’affrontement de 2 vérités dont les protagonistes croient en l’Homme providentiel.

Emmanuel Macron ne souscrit pas à l’idée que les représentants de la société civile organisée puissent participer à la construction de l’intérêt général. La légitimité reçue des urnes est l’alpha et l’oméga de la vie démocratique.

A cette conception, s’ajoute chez Emmanuel Macron, l’idée qu’il y aurait une voie de la raison qu’il incarnerait  et qui renvoie toutes les critiques, les questionnements à sa politique dans le camp de l’opposition qu’il faut éduquer avec pédagogie.

Jean Luc Mélenchon est aussi un jacobin qui ne croit pas au compromis. La négociation, la recherche du compromis avec d’autres n’est pas sa tasse de thé. Nous le voyons avec la NUPES. On est pour ou contre Jean Luc Mélenchon.

A cette conception s’ajoute chez Jean Luc Mélenchon, l’idée qu’il y a une société juste, celle que lui et son parti ont défini, et qu'il n'y a qu'un chemin pour y parvenir, celui qu'il a tracé.

Dans un espace politique marqué par une extrême droite très forte et un champ politique démocratique dans lequel aucune force politique réformiste ne pèse, le moment intense de démocratie ne peut être vu que comme une crise.

  • Par la majorité qui ne croit qu’à son projet et pour laquelle toute recherche du compromis est impossible, et toute remise à plat signifierait abandon, perte au profit de l’autre vérité.
  • Par la France insoumise et son leader qui voit dans le moment présent la crise de régime qu’il attend depuis longtemps pour imposer sa vérité. La victoire pour celle-ci n'est pas dans le compromis mais par le terrassement de son adversaire

Pour les uns comme pour les autres, la conception de la démocratie qu’ils développent, suggère que la confrontation des logiques ne peut se terminer que par un gagnant et un perdant. Il n’y a pas de place pour le compromis. La perspective de l’un et de l’autre, c’est de faire mordre la poussière à l’autre.

Voilà pourquoi dans notre pays, un moment intense de démocratie est analysée comme une crise.

Sortir par le Haut

Dans le champ du social, une voie se distingue des autres, celle de la CFDT. Le langage de ses responsables n’est pas un langage de guerrier. Ils expliquent au contraire qu’en démocratie, le conflit ne peut se comprendre comme une confrontation devant se terminer par des gagnants et des perdants. Ce sont les seuls à valoriser le temps que nous vivons comme un moment intense de démocratie, qui n’exclut bien sûr ni le conflit, ni les divergences, mais qui donne à chacun le « devoir d’écouter » et le devoir de rechercher les moyens pour sortir collectivement de l’impasse d’une confrontation guerrière.

Dans cette approche de la démocratie, revoir les choses, remettre les choses dans le bon ordre n’est ni un renoncement, ni une défaite.

Alors que le gouvernement a lancé les Assises du Travail, il aurait tout intérêt, pour sortir par le haut de cette situation, de reprendre son projet, de poursuivre les Assises qui se déroulent sous l’égide du CESE. Et pourquoi pas après, sur la base des travaux réalisés, ne pas réunir une conférence citoyenne pour élaborer des propositions qui seraient soumises au débat parlementaire?

Cette solution aurait pour intérêt de permettre à tous (syndicats, citoyens, partis politiques, députés, Président de la République, gouvernement de trouver une place dans l’élaboration de loi dans le cadre d’une démarche alliant démocratie participative/démocratie représentative, démocratie sociale /démocratie Politique

Gaby Bonnand

[1] Pierre Rosanvallon p 118

[2] Pierre Rosanvallon p59

[3] Pierre Rosanvallon p 432

[4] Je parle du champ démocratique, qui pour moi n’inclus pas le RN. Même si c’est par la voie démocratique que le RN est le 1° parti en nombre de députés, le RN, ce qu’il est, ce qu’il propose, n’appartient pas pour moi, au champ démocratique.

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