3 Mars 2017
A 15 jours de la clôture du dépôt des candidatures :
Le principal Parti de la droite se trouve pris en otage par un candidat sur le point d’être mis en examen, qui refuse de se démettre, risquant de priver le corps électoral français d’une offre politique, et une partie de celui-ci d’une offre qui correspond à ses attentes.
Le principal Parti de la gauche se trouve également pris en otage par un candidat vainqueur des primaires qui tourne le dos à la ligne du Parti Socialiste. Il ne s’agit pas de contester la victoire de Hamon à la primaire, mais il est incontestable que son programme n’est pas celui du Parti Socialiste. Aussi de nombreux électeurs de gauche se sentent orphelins d’une offre politique émanant d’un parti politique qui a structuré la majorité présidentielle sortante
De ce point de vue, si ceux qui avaient prédit la mort des Partis Politique avec les primaires, peuvent se trouver confortés dans l’épisode « primaire de la belle alliance populaire », la question reste posée de savoir, si les primaires sont les responsables de la situation ou des accélérateurs du processus de déliquescence des Partis.
Les 2 grands Partis Politiques qui structurent la vie politique et démocratique du pays depuis 4 décennies, étant en très mauvaises postures, le Front National apparait comme la seule survivance d’un monde ancien structuré autour de Partis Politiques traditionnels. La candidate antisystème se retrouve être de fait la seule représentante de ce système à bout de souffle.
A cette situation inédite sous la V° république, Un autre élément ne manque pas d’étonner. Parmi les 2 candidats, qui sans le dire doivent leur candidature à leur parcours derrière François Hollande, durant ce mandat, aucun ne défend le bilan, ni en critique et analyse les échecs réels ou supposés.
L’un, Benoit Hamon, a su faire
Les primaires gagnée, Hamon se trouve coincé dans un corner dans lequel il s’est mis : « une campagne 100% frondeurs ou un peu conciliant avec le bilan ? »[1]De ce fait, il n’est donc pas le représentant du parti qui a structuré la majorité présidentielle depuis 2012. Son programme ne s’appuie sur aucun bilan et apparait totalement déconnecté avec ce qu’on attend d’un parti qui a conduit la majorité présidentielle.
Ce programme devrait au moins, tout en analysant les échecs ou ce qui apparait comme tel au regard des promesses faites, défendre le bilan. Exercice difficile auquel Benoit Hamon n’a pas souhaité se livrer, préférant la facilité des propositions reposant sur aucun bilan avec pour conséquence l’impossible constitution d’une majorité.
L’autre, Emmanuel Macron, a su faire également de la victoire de François hollande, une opportunité pour se faire une réputation de conseiller et de Ministre. Mais il choisit une autre voie pour bousculer le jeu. Il ne lie pas son sort à une prise de pouvoir au Parti Socialiste à travers les primaires. Au contraire, il s’émancipe d’un Parti qui l’a fait Ministre mais auquel il n’a jamais été membre, puis sort du gouvernement pour conquérir l’opinion à travers son mouvement « En Marche », créé quelques mois auparavant.
En se présentant comme le candidat antisystème, dont il est pourtant un pur produit, il n’a pas forcément tort, si le système dont il parle est le système démocratique et politique structuré autour des Partis Politique. Mais il reste ambigu sur ce terme. Cette ambiguïté lui permet à la fois de se soustraire à la primaire (il n’est pas au PS) et ne pas à avoir à assumer l’héritage d’un pouvoir dont il a pourtant été une des pièces maitresse durant 4 ans.
Si son programme apparait plus en ligne avec la poursuite des politiques conduites durant le dernier mandat, il ne le dit pas et son programme n’est pas sous-tendu par un bilan rigoureux du mandat.
Son diagnostic est plus un diagnostic d’experts qu’un diagnostic d’acteurs, ses propositions d’avantage des propositions de spécialistes, nourries ou habillées (selon le degré de Machiavélisme avec lequel on regarde la vie politique) par des idées émanant des comité locaux de « En Marche », que des propositions nourries par le travail, la réflexion et l’action d’acteurs de la société civile.
Ce n’est pas faire injure au mouvement « En Marche » qui a su se structurer ses derniers mois, au travers de milliers de comité locaux, que de dire que la société civile dans notre pays ne se résume pas aux experts, aussi qualifiés soient-il et à un mouvement de Près 200 000 membres.
Et maintenant
Dans une situation aussi difficile et perturbée que nous la connaissons, il n’est pas étonnant, (au jour d’aujourd’hui et alors que François Fillon s’accroche) qu’Emmanuel Macron apparaisse le plus crédible des candidats dans l’opinion, parmi les candidats des forces démocratiques et républicaines.
François FILLON, avec les affaires dans lesquelles il est impliqué, a perdu toute crédibilité, y compris sur le fond de ses propositions qui apparaissent en décalage avec sa pratique. Il est incapable de réunir une majorité dans son propre camp pour lui permettre d’atteindre le second tour
Benoit Hamon en faisant mine de ne pas choisir entre frondeurs et majorité du PS, tout en passant un accord avec Yannick Jadot, opte pour un programme en rupture avec celui du parti socialiste, se met dans une impasse et perd toute chance de réunir une majorité pour arriver au second tour.
Emmanuel Macron, avec un programme moins en rupture que celui de Hamon, apparait aux yeux des français plus crédible. Il apparaît comme un candidat « réceptacle »
Les atouts d’Emmanuel Macron sont également ses faiblesses.
Ce n’est certes pas nouveau qu’un programme à la présidentielle ne respire pas le débat avec les organisations syndicales. Mais justement. De quelqu’un qui veut innover, on attend autre chose pour passer d’une attitude de résignation à « voter Macron faute de mieux », à une adhésion à une démarche.
En matière d’assurance chômage, la proposition « d’un contrôle accru à la recherche d’emploi, par le renforcement des sanctions » en première contrepartie d’une extension des droits à des catégories non concernées aujourd’hui, n’a rien d’innovant. En 2008, Laurent Wauquiez, délégué à l’emploi au Ministère de l’économie et « commissaire politique » de Sarkozy à ce Ministère dont la titulaire était Christine Lagarde, agitait déjà cette proposition pour montrer du doigt la responsabilité des chômeurs dans leur situation.
Sur ce même dossier, la proposition que le pilotage revienne à l’Etat « parce que tous seront couverts », est plutôt révélateur d’une étroitesse d’esprit sur la conception de la démocratie que d’une capacité à innover.
Mais pour être crédible, il faut être juste. Je reconnais que les propositions retraites semblent d’avantage travaillées et peut être ont-elles fait l’objet de discussion avec les partenaires sociaux. Au moins, sur ce dossier il y a un petit bilan qui met en valeur l’efficacité des réformes entreprises et les partenaires sociaux ont une place dans le processus de la réforme.
Pour autant beaucoup d’affirmations viennent polluer l’ambition « Création d’un système universel » et la méthode « On ne conduit pas une réforme aussi ambitieuse dans la précipitation. Autant les orientations sont claires, autant il faut prendre le temps des consultations sur les modalités. Les parties prenantes – partenaires sociaux et interlocuteurs politiques – seront associés à leur définition ».
S’engager dans une telle démarche signifie que le chemin pour atteindre l’ambition est à construire. A lire le programme, on a parfois le sentiment que le chemin est déjà très élaboré.
Emmanuel Macron, bénéficie aujourd’hui d’une conjonction de facteurs qui le placent comme le candidat le plus à même de battre Marine Le Pen et François Fillon.
Cependant il serait fort dommageable que cette situation conduise Emmanuel Macron à persévérer dans le peu d’importance qu’il accorde à la société civile, aux organisations qui la composent, en dehors de son mouvement.
La démocratie ne se limite ni aux partis Politiques, ni aux mouvements d’opinion, ni aux bonnes idées des experts, ni aux nouveaux arrivants dans le sillage d’une candidature. Tout cela est nécessaire, mais largement insuffisant.
La vocation d’un programme n’est pas séduire l’opinion à l’instant de l’annonce, mais de se donner les moyens, dans la durée, de réaliser ce que l’on a promis.
Emanuel Macron doit le comprendre, et très vite.
[1] Libération 3 Mars « Pour le bon soldat Cazeneuve, il suffira d’un sine de Hamon »