Que veut dire Emmanuel Macron quand, au cours de ses vœux à la nation le 31 Décembre 2017, il parle du "grand projet social qu'il veut déployer durant cette année qui inspire » entre autre « notre politique sociale aidant les plus démunis"?
C'est une question qui peut paraître déplacée.
En effet, qui pourrait être contre cette orientation dans une période de l'année où la misère d'un certain nombre de nos concitoyens nous est difficilement supportable ?
Qui pourrait être contre cette ambition de générosité dans un monde fait le plus souvent de dureté, de mépris et de violence?
Personne ne peut s'opposer à ce plaidoyer.
Mais est-ce que la générosité, qui est sans conteste utile pour alléger les difficultés des plus démunis, peut être considérée comme la finalité d'une politique sociale ?
L'histoire de notre système de protection sociale, nous apprend au contraire, que sa construction est une longue histoire pour s'émanciper d'une logique charitable ou généreuse, pour parvenir à mettre au cœur de la dynamique de nos systèmes, la solidarité nationale.
En rendant obligatoire pour tous à un moment de notre histoire, l'affiliation au système d'assurance sociale à vocation universelle, l'objectif visé était bien sûr de mettre en commun les risques pour mieux les assurer et les prévenir, mais l'objectif était aussi de faire du système de protection sociale un pilier de la lutte contre les inégalités, contribuant ainsi à faire société en solidarisant de fait les individus entre eux.
Pour les pères fondateurs de la Sécu, la solidarité organisée à travers cette institution, avait pour vocation de dépasser l'assistance qu’ils considéraient comme « un résidu que le progrès social devait progressivement éliminer ».
Oui, la solidarité c'est autre chose qu'une politique en direction des plus démunis, laquelle est certes nécessaires et même indispensable.
Au cœur de la solidarité se trouve la lutte contre les inégalités qui mine la cohésion sociale pour laquelle la générosité n’a que peu d’effet, pour ne pas dire aucun.
"Un projet social qui inspire la politique sociale pour les plus démunis" ne renvoie-t-il pas à une conception "minimaliste", voire "hiérarchique" pour ne pas dire de classe de la protection sociale, en suggérant que ceux qui ont la chance de réussir, doivent contribuer un peu pour ceux que le système économique exclue?
La question doit être posée clairement, car derrière les questions de cohésion sociale, la question de l'organisation de la solidarité est posée dans une période d'évolution nécessaire de nos systèmes pour que ceux-ci prennent en compte les nouveaux modes de travail comme les nouvelles formes d'emplois, sans en perdre ses fondamentaux.
Faire appel à l'humanisme à la générosité ne suffit pas à fonder une politique sociale basée sur la solidarité.
Il faut rappeler que le choix qui a été fait, au moment de la création de la Sécu, en faveur de l'affiliation obligatoire aux systèmes de protection sociale et non pas à l'adhésion volontaire, s’appuie sur la conviction profonde que faire société impose des devoirs qui dans le cas de la protection sociale génère des droits.
La question des droits et devoirs si chère aux néolibéraux quand il s'agit de mettre la pression sur les chômeurs, les gens en arrêt de travail ou tout autre malade, ne se comprend pas que dans un sens.
Oui nous avons des devoirs parce que nous bénéficions de droits, mais n'oublions jamais que c'est le devoir de tous de contribuer selon ses moyens qui permet à un système de solidarité de fonctionner en générant des droits pour tous selon les besoins des uns et des autres, faisant de ce système un levier puissant le lutte contre les inégalités
Gaby BONNAND